mg par kilo - balado

Épisode 19 | Troubles des conduites alimentaires

Episode 19

Avec Dre Dina Moubayed, pédiatre en médecine de l'adolescence, et Stéphanie Ledoux, nutritionniste, nous allons:

  • identifier et décrire les principaux troubles des conduites alimentaires (TCA);
  • expliquer les principes de la prise en charge nutritionnelle, en résumant les modalités de prévention et de traitement du syndrome de réalimentation;
  • présenter la prise en charge multimodale des TCA en adolescence, incluant ses approches psychothérapeutiques (familiales, individuelles, de groupe).

Références:

Les invité(e)s et l'animatrice ne déclarent aucun conflit d'intérêt.

Idée originale, réalisation et animation: Émilie Roy-St-Pierre
Captation et montage: Antoine Palardy (depuis octobre 2025) et Philippe Lacroix (janvier 2024 à octobre 2025), spécialistes en audiovisuel
Conseillère en communication: Pascale Chatagnier (depuis mai 2025) ; Katrine Louis-Seize (janvier 2024 à mai 2025)
Logo: Équipe des communications et du graphisme du CHU Sainte-Justine
Musique: Samuel Ross
Collègues, ami(e)s et famille, merci pour votre précieux soutien.

© mgparkilo 2025

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En collaboration avec le CHU Sainte-Justine, membre du Réseau mère-enfant de la francophonie.

Bienvenue à Milligrammes par kilo, un balado qui parle de médicaments en pédiatrie. L'information contenue dans ce balado ne remplace pas le jugement professionnel. Il s'agit d'un survol de divers sujets pour les professionnels de la santé ou pour toute personne intéressée. Bonne écoute! Salut tout le monde, ici Émilie Roy-St-Pierre, pharmacienne en pédiatrie générale et l'animatrice du balado Milligrammes par kilo. On revient de notre été 2025, donc je suis très contente de reprendre l'année scolaire avec l'épisode sur les troubles des conduites alimentaires. Tout au long de l'épisode, on va dire les TCA pour économiser un peu de salive. Je trouve que c'est un sujet super important et intéressant. Un problème de santé mentale avec un très grand impact sur la santé physique et le développement des adolescents et des adolescentes. Que ce soit au niveau osseux, cognitif, social et j'en passe. C'est quand même une maladie insidieuse qui peut atteindre la fonctionnalité de ces personnes-là. Tout au long de l'épisode, on va dire plus patiente au lieu de patient-patiente juste pour les causes de l'épisode. On garde en tête quand même que même si on dit patiente, ça peut quand même toucher autant les garçons que les filles, les troubles alimentaires. Et comme j'ai dit tantôt, c'est un épisode TCA mais plus sur l'adolescence. Ce n'est pas nécessairement pour tous les groupes d'âge. Sans plus attendre, je vous laisse présenter. Dina, veux-tu commencer? Moi, c'est Dina Moubayed. Je suis pédiatre spécialisée en adolescence. Je travaille au CHU Sainte-Justine, à la Clinique de médecine des ados, aux côtés de Stéphanie. Bonjour Émilie, merci de nous recevoir. Merci d'être là. Je suis Stéphanie Ledoux, nutritionniste au CHU Sainte-Justine depuis bientôt 25 ans et depuis une quinzaine d'années avec la clientèle des troubles alimentaires en médecine des adolescents. Super. Pour vrai, un gros merci d'être là aujourd'hui. Je sais que vos horaires sont très chargés, donc c'est un privilège pour moi de vous recevoir. Dina, veux-tu nous parler un peu, c'est quoi la prévalence des TCA aujourd'hui dans notre population? Ça peut paraître en fait comme une question simple, mais en fait c'est une question assez complexe parce que c'est vraiment difficile d'établir la prévalence des troubles alimentaires chez les adolescents. Puis ça varie énormément dans la littérature parce que simplement c'est assez dur à étudier. Donc quand on va regarder la littérature, les chiffres vont varier, mais au niveau surtout de l'anorexie restrictive par exemple, c'est ce qu'on est capable de mieux identifier, puis ça tourne autour de 5 % de la population, ce qui est quand même beaucoup. Beaucoup. Puis on le sait, en fait, que c'est en fait juste la pointe de l'iceberg. Les gens qui se rendent à avoir un diagnostic de troubles alimentaires, c'est le 5 % dont on discute par rapport à l'anorexie restrictive, mais il y a bien d'autres troubles alimentaires dont on va discuter tout à l'heure. Puis il y a plein d'autres jeunes qui se promènent dans la nature sans qu'on les identifie dans le système de santé avec des enjeux au niveau de l'alimentation. On parle à peu près d'un 25 % quand même. Donc c'est vraiment assez prévalent. C'est énorme. Oui. Et ce qu'on sait, c'est qu'avec la pandémie, il y a eu une augmentation vraiment exponentielle des troubles alimentaires, notamment de l'anorexie restrictive. On ne sait pas encore pourquoi. Il y a plusieurs hypothèses qui ont été soulevées, mais c'est dur à savoir en fait qu'est-ce qui l'explique. On sait que les niveaux ont diminué un petit peu depuis la pandémie, mais on n'est pas retourné à des niveaux tout à fait pré-pandémiques. Donc c'est quand même important d'en parler, puis de savoir quoi faire quand on rencontre un jeune qui vit des problématiques au niveau de l'alimentation. Tout à fait. Donc justement, on mentionne l'anorexie restrictive. C'est un peu celle qu'on connaît le plus, qui frappe un peu plus l'imaginaire. C'est quoi les autres types? Veux-tu un peu nous les définir? Oui. En fait, l'anorexie restrictive, on peut aussi l'utiliser de façon interchangeable à l'anorexie nerveuse. Donc les deux noms se disent. Puis je vais commencer juste par celui-là pour le définir. Donc on utilise en fait le manuel diagnostique de santé mentale, donc le DSM, pour diagnostiquer les troubles alimentaires. Puis il y a des critères vraiment spécifiques. Pour l'anorexie nerveuse, ça prend une perte pondérale, qui dévie un peu de la trajectoire développementale, donc de la courbe de croissance. Ça prend des comportements qui mènent à une perte de poids, ou des efforts pour ne pas en prendre. Puis évidemment, ça prend un peu de dysmorphie corporelle, de se sentir pas bien dans son corps, de se sentir en surpoids, et de se sentir pas bien dans comment on est, puis avoir un désir de perte de poids qui vient avec. Donc c'est un peu ça les critères de façon générale. Après ça, l'autre qu'on connaît le plus souvent, c'est la boulimie nerveuse. Puis la boulimie en fait, c'est plutôt, alors que l'anorexie est plutôt référée comme une maladie étant beaucoup dans le contrôle, la boulimie c'est plutôt l'inverse de ce côté-là, donc plus une sensation de perte de contrôle. Donc c'est comme de manger des quantités de nourriture vraiment importantes dans un laps de temps qui est assez court, de se sentir inconfortable, puis de sentir une perte de contrôle. Puis ça peut mener à des comportements qui sont, de type qu'on appelle purgatif. Donc on pense généralement à des vomissements, mais ça peut être l'utilisation de laxatifs, ça peut être l'utilisation de coupe-faim, des diurétiques, donc plein de façons d'avoir ces comportements-là. Puis bien évidemment, ça vient avec une détresse vraiment importante. Donc ça c'est pour la boulimie. Après ça, on a l'hyperphagie boulimique, qui est un peu l'équivalent de la boulimie, mais sans les comportements purgatifs. Puis ça aussi, ça vient avec de la détresse vraiment, vraiment importante, puis des sentiments de culpabilité et de honte qui sont très élevés. Est-ce que c'est ce qu'on dit des fois dans le jargon plus familier,« manger ses émotions » ? Oui, c'est ça. C'est un peu ça l'hyperphagie boulimique. Donc c'est comme d'avoir des moments de perte de contrôle de l'alimentation, où on mange vraiment des très, très grosses quantités jusqu'à se sentir parfois physiquement aussi inconfortable. Puis dans les critères du DSM, ils mentionnent même que ça a un lien avec la détresse émotionnelle. Donc c'est vraiment important ce que tu soulèves, parce qu'effectivement, il y a quand même un lien à faire de ce côté-là. Puis l'autre, dans le fond, trouble alimentaire qu'on retrouve dans le DSM, c'est le ARFID, qui est en français le trouble de l'alimentation sélectif et évitant. Puis c'est un trouble alimentaire qui mène à atteindre des apports nutritionnels qui sont insuffisants, soit par une perte de poids ou des besoins de nutrition comme entérale, parentérale. Mais il n'y a pas de dysmorphie corporelle qui est associée. Il n'y a pas de lien avec l'apparence physique ou l'estime de soi. Souvent, ça va être des patients qui ont des comorbidités au niveau psychiatrique, des troubles anxieux, des peurs de vomir, des peurs de s'étouffer. Parfois, des patients qui présentent un trouble du spectre de l'autisme qui va mener en fait à un désordre au niveau de l'alimentation. Puis là, ça c'est ceux qui sont dans le DSM. Mais il y a plusieurs autres troubles alimentaires aussi qui ne se retrouvent pas spécifiquement dans le DSM,

dont on entend parler :

l'orthorexie, la bigorexie. Il y en a tout plein qu'on peut retrouver. Puis on peut aller sur le site de l'ANEB où ils détaillent vraiment bien tous ces types de troubles alimentaires. Merci. Je pense que tu as bien défini en effet les quatre principaux. Ça me fait penser justement à l'ANEB (Anorexie et boulimie Québec). C'est un super site web qui détaille vraiment bien autant pour les professionnels de la santé que pour les parents, les patients, les familles. Puis d'ailleurs, ça me fait penser, j'ai écouté leur podcast, l'épisode 1. Ils définissaient justement - leur podcast, Les Liens Troublés - ils définissaient bien, encore plus en détail, chacun des troubles que Dina, tu viens de détailler. Mais je ne veux pas répéter ce qui a été déjà dit d'une façon très brillante. Tu as été invitée sur leur podcast à l'épisode 6, si je ne me trompe pas? Oui, la première saison. Ils ont une deuxième saison. C'est super, je vais aller voir. J'invite aussi les auditeurs, si vous êtes intéressés, à aller voir cette référence-là. Avant de continuer, Stéphanie, j'aimerais ça t'emmener sur quelques mythes qui circulent encore beaucoup. J'en entends encore beaucoup parler ou circuler. Mais je pense que c'est important de juste les rementionner ici, puis un peu les déconstruire ensemble. Pour commencer, on entend souvent que les TCA, ils concernent plus les adolescentes que les jeunes femmes. Qu'est-ce que tu as à ajouter sur ça? Effectivement, on voit beaucoup de jeunes femmes, jeunes filles qui peuvent être touchées par les troubles alimentaires. Mais il faut savoir que les troubles alimentaires peuvent affecter des personnes de tout âge, sexe, origine ethnique et orientation sexuelle. Les garçons, les hommes aussi peuvent développer un trouble alimentaire. Selon les chiffres, par rapport à l'anorexie et la boulimie, les hommes représentent 10 à 25 % de l'ensemble des cas. Je ne pensais pas que c'était autant pour les hommes. Et les chiffres vont monter jusqu'à 40 %. Ça, c'est la pointe de l'iceberg. Effectivement. Puis les chiffres vont monter jusqu'à 40 % pour ce qui est de l'hyperphagie boulimique. Ce qu'on peut parfois observer chez les jeunes adolescents, mais chez les hommes plus âgés aussi des fois, c'est ce qu'on appelle la bigorexie ou la dysmorphie musculaire. Donc, un peu à l'inverse de l'anorexie, si on veut, une jeune fille chercherait à perdre du poids. Dans la bigorexie, la personne va se trouver trop mince ou pas suffisamment musclée et va vouloir développer, prendre davantage de masse musculaire. Donc, va développer un petit peu d'obsession par rapport à l'alimentation. Peut-être vouloir manger plus de protéines, tester des suppléments nutritionnels et faire beaucoup d'exercice à outrance pour justement... Manger des macronutriments au lieu des aliments. Exactement, exactement. Parfait. Après ça, le deuxième mythe que j'entends souvent, il y en a plein et j'en ai sélectionné quelques-uns seulement, c'est que les personnes atteintes de TCA cherchent simplement à perdre du poids. Tu viens un peu d'y répondre. Il y en a qui veulent aussi gagner du poids. Qu'est-ce que tu as à ajouter sur le désir de perte de poids? Effectivement, ce n'est pas tout le monde qui a ce désir de perdre du poids. Effectivement, pour certaines, oui, l'objectif est de perdre du poids et de toujours viser plus bas. Mais pour d'autres, le TCA peut répondre à d'autres besoins. Une personne peut parfois vouloir juste mieux manger ou être en meilleure forme physique, va faire des ajustements au niveau alimentaire, peut-être va dévier à un moment donné, puis vraiment se trouver à perdre du poids. Mais initialement, son désir n'était pas de perdre du poids. Mais la ligne est fine en « titi ». « Ah, c'est pour me remettre en santé. » On dirait que c'est flou, à partir de quand ça devient malsain? Le mot que tu as mentionné au début, insidieux, c'est que souvent on va dire que c'est une maladie qui part de bonnes intentions. Puis, ce n'est pas tout le monde qui a des bonnes intentions, qui va nécessairement développer un trouble alimentaire. Donc, on peut vouloir être en santé, faire de l'activité physique, manger mieux, puis pas nécessairement développer un trouble alimentaire. Donc, effectivement, ça peut être difficile à naviguer. Effectivement. Puis des fois, on va justement dévier un petit peu de notre trajectoire, puis plonger vraiment dans un trouble alimentaire. La perte de poids s'ensuit. Puis des fois, on va avoir des commentaires des gens autour de nous qui vont valoriser cette perte de poids-là aussi, donc qui peut nous amener à juste aller plus loin dans tout ça. Ça vient consolider la boucle. Exact. Et certains troubles alimentaires peuvent mener à une perte de poids sans même avoir de lien. Le ARFID, par exemple, qui est comme... en fait, la perte de poids est une conséquence de ce trouble alimentaire, mais elle n'est pas volontaire. Je comprends bien. Puis parfois aussi, comme on disait, il y a des jeunes qui vont vivre des émotions difficiles ou des stresseurs difficiles. Donc, des fois, le trouble alimentaire va venir combler un petit peu ce manque-là. La nourriture va devenir, dans le fond, le moyen de retrouver le contrôle sur ça. Donc, initialement, ils n'ont pas le désir de perdre du poids, mais pour répondre à tous ces stresseurs, à ces émotions-là, on va manger et on n'observera pas, au final, de perte de poids. Il faut comprendre que les troubles alimentaires, c'est des pathologies complexes. Puis c'est lié à différents facteurs, des facteurs psychologiques, par exemple. Donc, quelqu'un qui a une faible estime de soi, le trouble alimentaire va peut-être répondre à ça et être une façon de retrouver un semblant d'estime de soi. Ça peut répondre à des besoins émotionnels. On l'a nommé. Si on a de la difficulté à se réguler, à gérer nos émotions, peut-être que le trouble alimentaire va répondre à ça. Ce n'est pas un désir de perte de poids qui nous animait initialement. Puis ça peut répondre aussi à des facteurs sociaux. Donc, s'il y a une séparation parentale, des tensions, conflits avec les amis aussi, le trouble alimentaire peut répondre à ça. Donc, comme on l'a dit, la perte de poids ou les comportements alimentaires extrêmes, d'évitement, c'est la pointe du iceberg. Souvent, il y a quelque chose de plus profond en dessous de tout ça. Qu'il faut aller explorer. Exactement. Les personnes vont chercher de l'aide. Exactement. C'est bon, merci. Un autre mythe aussi, on en a parlé un peu tantôt, mais est-ce que les personnes atteintes de troubles alimentaires sont toujours maigres ou en dessous de leur poids santé? Bien non. Ils ne sont pas toujours très maigres. On peut côtoyer des gens autour de nous et on ne se douterait pas qu'il y ait un trouble alimentaire. Il y en a. Donc, effectivement, on le détecte facilement quand on voit des gens dans une maigreur extrême, mais il y a certaines personnes qui sont atteintes de troubles alimentaires qui peuvent avoir un poids dit « normal » ou même être supérieur à la normale aussi. Donc, parfois, on peut avoir des jeunes qui sont en surpoids ou qui auraient une obésité morbide qui vont développer un trouble alimentaire. Il va y avoir une perte de poids peut-être sur un court laps de temps et puis là, évidemment, ça va avoir des répercussions sur sa santé physique, des laboratoires perturbés, une bradycardie, une aménorrhée. Donc, cette personne-là n'est pas en sous-poids, mais elle ne va pas avoir la maladie... Le corps envoie quand même des signaux objectifs. Exactement. Donc, les TCA, ça ne se limite pas à une question de poids visible. Merci. C'est très bien expliqué. Puis, finalement, des fois, on va penser,« Mon Dieu, j'ai un diagnostic de trouble alimentaire. Je suis pris ou prise avec ça pour la vie. » Ça en est quoi pour le pronostic? Heureusement, on peut dire que non, on n'est pas pris avec ça pour la vie. C'est sûr qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent influencer le maintien du trouble alimentaire. Donc, si je suis dans le déni ou j'ai comme un certain sentiment de contrôle, de toute-puissance, ça peut être plus long de sortir du trouble alimentaire parce que je ne suis pas rendue à l'étape de m'en sortir. Il y a aussi d'autres facteurs qui peuvent influencer le rétablissement. Donc, si j'ai la volonté de m'en sortir, je suis tannée de vivre avec ce trouble alimentaire-là, je vais peut-être m'aider à cheminer davantage. Donc, la durée et le succès du rétablissement, ça varie d'une personne à l'autre. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il faut aller chercher de l'aide. Le plus rapidement on est capable d'avoir une prise en charge, plus vite on risque d'aller vers un rétablissement puis une chance de se rétablir de façon complète aussi. Puis, il faut garder en tête que le processus de rétablissement, bien, ce n'est pas quelque chose qui est linéaire. Il peut y avoir des hauts, des bas. Parfois, on est hospitalisé une fois, on a un suivi en ambulatoire, puis on va sortir de notre trouble alimentaire, mais des fois, on va être hospitalisé deux fois, trois fois, cinq fois. On va cheminer au travers de ces hospitalisations-là, mais le chemin peut être un petit peu plus long. Donc, il faut avoir de la patience, de la persévérance, de la motivation, mais le plus important, c'est d'y croire puis de s'entourer de gens qui sont capables de reconnaître notre problématique puis de nous aider à cheminer dans tout ça. Tout à fait. Au final, je pense qu'il faut déconstruire tous ces mythes-là pour mieux comprendre les troubles alimentaires parce que je pense que c'est encore beaucoup méconnu. Je suis d'accord avec toi. Ça va aider à la prévention puis d'encourager les personnes concernées à consulter. C'est vraiment important de les avoir fait ressortir, mais il faut qu'on puisse les adresser comme il le faut. Tout à fait. Puis là, on est, bon, point de vue hospitalier ici, à l'hôpital Sainte-Justine, des fois, je vois des combos un peu... très dangereux. Des fois, on a des patients avec des maladies chroniques puis des fois, il y a un mésusage de certaines substances et médicaments. Toi, est-ce que t'en vois souvent des mauvaises utilisations de médicaments ou quoi que ce soit? Par exemple, un qui me vient en tête le plus rapidement, c'est quelqu'un qui vit avec un diabète de type 1, qui a de l'insuline à se donner, mais qui a quand même un désir, qui a une dysmorphie, qui a un désir de perte de poids extrême. Oui, c'est sûr qu'on en voit. On peut en voir. On est à Sainte-Justine dans un contexte de santé tertiaire, donc on est quand même aussi amenés à répondre à des besoins pour des patients qui présentent des maladies chroniques. Effectivement, le fait d'avoir une maladie chronique, ça peut être plus risqué pour la santé des jeunes qui présentent un trouble alimentaire. Déjà, à la base, si je reviens un peu en arrière, avoir un trouble alimentaire, tu l'as bien dit, c'est au niveau de la santé mentale. On utilise le manuel diagnostique de santé mentale, mais c'est une maladie qui a des impacts physiques majeurs. On pense au développement osseux, à la croissance, à l'arrêt de la puberté, l'arrêt des menstruations, qui a aussi un impact sur le développement osseux. On pense aux impacts sur la santé cardiaque, donc la bradycardie (le coeur qui ralentit), et plein d'autres conséquences au niveau cardiaque, des effets au niveau digestif, la perte de cheveux, la circulation. Bref, plein, plein d'effets qui sont en général réversibles avec le traitement du trouble alimentaire, mais quelques-uns, on ne sait pas le niveau de réversibilité, notamment sur la santé osseuse, sachant qu'on peut développer de la masse osseuse jusqu'à l'âge de 25 ans, et qu'après ça, c'est un peu incertain à savoir où est-ce qu'on en est avec ça. Donc, est-ce qu'on perd un temps critique de développement de santé osseuse dans le contexte que le trouble alimentaire se développe à l'adolescence? Déjà, c'est une maladie qui a des conséquences physiques importantes, puis en plus de ça, quand on rajoute une maladie chronique, les jeunes peuvent être amenés de façon volontaire ou involontaire à se mettre en danger. Puis ton exemple est parfait, en fait, un patient qui présente un diabète de type 1 peut omettre son insuline pour accélérer la perte de poids, donc c'est des choses qu'on peut voir. Il y a aussi, par exemple, des patients avec fibrose kystique qui prennent des enzymes pancréatiques pour améliorer l'absorption, puis à ce moment-là, l'omission de certaines enzymes peut avoir un impact aussi sur l'absorption. Donc, il peut y avoir des choses comme ça qu'il faut être capable de naviguer, puis être à l'affût, en fait, pour pouvoir accompagner davantage ces patients-là par rapport aux risques au niveau de leur santé. Tout à fait. Merci beaucoup. Je pense que ça met bien la table sur les TCA. Ici, là, dans le centre tertiaire, quand, moi, sur mon étage, j'admets des patients avec justement un TCA qui sont dans un épisode, par exemple, qui n'ont pas mangé depuis 5 jours, puis là, ils arrivent en bradycardie, leur cœur bat à 35 battements par minute, etc., ils sont mis sur un protocole qu'on appelle le protocole de syndrome de réalimentation. Donc, juste avant de continuer, je vais juste le définir. Donc, le syndrome de réalimentation, c'est l'ensemble des anomalies biologiques et cliniques qui surviennent lors de la renutrition des patients dénutris ou ayant subi un jeûne prolongé. Là, j'en parle parce que là, on parle des TCA qui peuvent subir un jeûne prolongé, mais en plus, ça va s'appliquer dans plein d'autres conditions où on a justement le jeûne prolongé. Donc, on peut penser à l'alcoolisme chronique, des maladies de malabsorption comme les maladies inflammatoires de l'intestin, les MMI, une malnutrition chronique, un diabète mal contrôlé, des maladies oncologiques ou des états post-opératoires qui empêchent une nutrition adéquate ou justement un jeûne prolongé, refus alimentaire ou famine, par exemple. Donc, je voulais faire le pont un peu vers ce sujet-là parce qu'on le voit quand même en milieu hospitalier et puis c'est un peu le côté plus médicus, mais je trouve ça très intéressant en fait qu'on en jase de mon point de vue pharmacie, c'est un peu plus ça que je vois. Après ça, on va pouvoir aller au côté nutritionnel et on va pouvoir aller au côté un peu plus psychosocial par la suite. Maintenant, Dina, est-ce que tu veux un peu nous expliquer qu'est-ce qui se passe juste de façon générale dans un corps d'humain quand on jeûne de façon prolongée, qu'on soit TCA ou n'importe quelle autre condition? En fait, ce qui se passe, c'est qu'au lieu d'utiliser l'énergie qu'on va avoir comme apport alimentaire donc via le glucose par exemple, on va se mettre à utiliser les protéines puis la graisse qu'on a en nous. Donc, on va utiliser l'énergie un peu de façon inappropriée puis produire des corps cétoniques pour utiliser cette énergie-là. Puis on va aussi se mettre à consommer en fait des substances qui sont essentielles au fonctionnement du corps, donc il y a les électrolytes, la vitamine B1, donc la thiamine, puis à ce moment-là on va être déplétés dans ces molécules-là. La vitamine B1, sachant qu'elle est hyper importante pour faire de l'énergie, notamment via notre fameux cycle de Krebs. Donc, c'est des choses en fait qui sont ultra importantes et essentielles puis quand on n'est pas capable d'avoir les apports, le corps va trouver une façon de les utiliser puis à ce moment-là, ça va mettre le corps un peu en souffrance puis ça va se mettre à... En fait, le corps va se mettre à éteindre certaines fonctions qui sont considérées comme étant non vitales, dont l'arrêt par exemple des menstruations. Donc, on va se mettre à concentrer notre énergie aux endroits qui sont essentiels comme le cerveau, le coeur, qui sont en fait les organes qui nous permettent de vivre. Puis de façon intéressante, il y a une étude qui a été faite sur... L'étude de Keys, qui a été faite sur des hommes qui avaient subi de la dénutrition pendant la guerre. Puis, ils ont quand même rapporté qu'avec la dénutrition, ils ont commencé à développer des symptômes psychiatriques qui n'étaient pas là avant. Donc, c'est quand même important pour moi de le mentionner parce que je parle beaucoup des effets du jeûne sur le corps au niveau physiologique et biologique, mais il y a quand même des effets psychologiques et psychiatriques associés au jeûne. Donc, plus de dépression, plus d'anxiété, l'apparition de comportements qui n'étaient pas là avant au niveau de l'alimentation, même des manies alimentaires qu'on retrouve chez certains patients qui ont un TCA qui avaient été développés chez ces patients-là qui avaient été étudiés. Donc, c'est quand même vraiment intéressant de le rapporter. Ok, merci. Puis là, justement, il y a eu ces patients-là, par exemple, je reprends encore mon patient avec un trouble alimentaire, mon patient - ma patiente, jeûne prolongé, il se fait hospitaliser ici. Puis là, on veut le traiter en le réalimentant. Il y a quand même plusieurs éléments à prendre en compte, mais là, si on revient un peu à la physiologie, là, le moment qu'on va remettre de la nourriture dans son corps, son corps va comme passer du mode catabolisme à anabolisme, donc il va se remettre à synthétiser des molécules. Pourquoi c'est important qu'il soit suivi, rendu-là à l'hôpital de façon rapprochée? C'est vraiment une bonne question parce qu'en fait, c'est surtout pour ça qu'on va les admettre. Oui, il y a certains critères qui sont plus pour le fonctionnement ou comment... Certains critères d'hospitalisation sont surtout pour le fonctionnement ou comment ça se passe en clinique externe, mais la majorité du temps, c'est pour la surveillance médicale, entre autres pour le syndrome de renutrition. Ce qui se passe, en fait, c'est que quand on se remet à manger, on a un influx de glucose. L'influx de glucose va faire faire un pic d'insuline. Ce pic d'insuline-là va servir à faire rentrer du glucose dans les cellules, mais aussi des éléments importants, notamment les électrolytes. Sachant que, comme je l'ai mentionné plus tôt, le jeûne fait en sorte qu'on a une déplétion d'électrolytes. En ayant un influx intracellulaire en plus d'électrolytes, on se ramasse hyper déplétés au niveau sanguin de tous ces électrolytes-là, notamment le phosphore, mais aussi potassium, calcium, magnésium. Ça peut avoir des effets vraiment négatifs au niveau de la santé physique. Ça peut aller de la rhabdomyolyse, hémolyse, des convulsions, une atteinte musculaire qui vient avec la rhabdomyolyse. Ça peut avoir des complications. Il peut y avoir des troubles du rythme, aussi. Oui, des troubles du rythme, des atteintes hépatiques. Bref, ça fait quand même une dysfonction multiorganique qui est vraiment importante à considérer. C'est important de bien surveiller ces patients-là, parce que ça ne se produit pas nécessairement au jour 1. On sait que le pic de l'hypophosphatémie va arriver plus autour du jour 5 de la renutrition. C'est important de les garder hospitalisés pendant une bonne portion... au moins un certain temps, jusqu'à temps qu'on soit certains qu'on a mis le syndrome de renutrition derrière nous. On va suivre des électrolytes de façon très rapprochée, surtout ces premiers jours-là. Qu'est-ce qu'on donne pour éviter les complications? En fait, on veut surtout surveiller et on ne va pas repléter tant qu'on n'a pas une atteinte. Après ça, une fois qu'on a un électrolyte qui est en deçà de la norme, de nos normes à nous, on va repléter par voie orale. On va donner des suppléments de phosphore, des suppléments de potassium, des suppléments de magnésium au besoin. J'ai aussi parlé tout à l'heure de la vitamine B1. D'emblée, pour tous les patients, on va donner des suppléments de vitamine B1 pendant au moins la première semaine et aussi des suppléments de multivitamines sachant qu'il y a quand même eu une déplétion au niveau de toutes les vitamines en contexte de la restriction alimentaire. On va essayer de prioriser toujours, toujours la réplétion autant au niveau alimentaire qu'au niveau des électrolytes et des vitamines per os. Par voie orale et non pas nécessairement par tube ou par voie intraveineuse. On va essayer de prioriser ça. C'est moins invasif. Oui, et en fait, ce qu'on voit aussi, c'est que quand on replète par les veines, donc si, par exemple, le patient a une hypoglycémie, donc un taux de sucre qui est diminué, et qu'on met du glucose par les veines, ça peut augmenter le risque de syndrome de renutrition parce qu'on fait encore plus d'influx de glucose. À ce moment-là, ça peut avoir des conséquences néfastes. Donc c'est toujours mieux d'y aller par la bouche. Je comprends. Si on résume un peu, ce serait quoi les facteurs de risque à retenir pour le syndrome de réalimentation chez un patient donné où, toi, tu vas dire, « lui est à faible risque ou risque élevé » ? En fait, on a certains critères qui sont vraiment bien définis. Des patients qui ont un IMC, un pourcentage d'IMC médian qui est très, très, très bas. On a un calcul qu'on fait. Quand ce calcul-là, c'est en bas de 70 %, pour nous, c'est un IMC très faible, et c'est un patient qui est plus à risque de syndrome de renutrition. Tout ce qui est anomalies électrolytiques de base. Donc un patient qui n'a même pas encore commencé à faire un syndrome de dénutrition mais qui est tellement déplété en intracellulaire que déjà, il y a une hypophosphatémie, par exemple. À ce moment-là, il est beaucoup plus à risque de faire un syndrome de renutrition. Après ça, un patient qui a perdu beaucoup de poids dans les dernières semaines de façon aiguë. On va se mettre à titre indicatif 1 kg par semaine pendant au moins deux semaines. Puis, une restriction calorique très, très, très importante. Donc en bas de 500 calories par jour. Ça aussi, c'est un facteur de risque que le patient est plus à risque de faire un syndrome de renutrition. C'est pendant au moins 3 jours? Oui, au moins 3 jours. Je pense que tu as vraiment bien défini un peu tout c'est quoi. Merci beaucoup. Comment... Là, on a parlé un peu de comment on prévient en surveillant et tout, en réplétant au besoin. Maintenant qu'on a passé un peu cette phase initiale à l'hôpital, finalement, tout s'est bien passé. Les électrolytes sont bons même après 7 jours. Toi, tu es déjà dans le dossier comme nutritionniste depuis le début. Comment tu mets en place ton plan alimentaire avec cette patiente-là ou ce patient-là? En fait, pour tout patient hospitalisé avec troubles alimentaires, je vais être demandée en consultation. Donc, je vais rencontrer la patiente et procéder à son évaluation nutritionnelle. C'est d'apprendre à connaître la personne qui est devant moi. En fait, je veux connaître ses habitudes alimentaires avant le trouble alimentaire, voir comment le trouble alimentaire s'est mis en place, c'est quoi les changements qui ont été faits au niveau de l'alimentation, au niveau de l'activité physique pour pouvoir ensuite me réajuster. Je vais aussi évaluer le degré de malnutrition s'il y a lieu et le risque de syndrome de réalimentation. Puis, à partir de ces informations-là, je vais évaluer ses besoins nutritionnels et déterminer le plan alimentaire qui lui convient, qui est approprié pour combler ses besoins en énergie, en macro-, en micronutriments, puis en liquide aussi. Je parle de plan alimentaire. Donc on va proposer un plan alimentaire qui va convenir à la patiente dans le but de combler ses besoins. Plan alimentaire, on va avoir besoin de ça en hospitalisation parce que la majorité des patientes avec troubles alimentaires ne sont pas capables de faire des choix alimentaires. C'est impossible de les laisser commander par elles-mêmes leur plateau, leur repas parce qu'elles sont toujours en mode calcul. Dans la tête, c'est une petite calculatrice. Elles sont dans la comparaison. Quel aliment est moins calorique? Qu'est-ce que je devrais prendre? Si je prends ça, je vais me sentir coupable. Elles ne sont pas capables. Avec la dénutrition, on sait que le cerveau fonctionne au ralenti aussi. Il y a plein de facteurs qui s'ajoutent. On va travailler avec un plan alimentaire qui est défini. Comme je le disais, qui va combler les besoins énergétiques. Qui va être individualisé, parce que chaque patiente a des besoins différents. Il n'y a pas une patiente qui va débuter avec le même plan alimentaire. Le plan alimentaire est réparti sur trois repas par jour. On va inclure une variété d'aliments en quantité suffisante. Il n'y a pas de restrictions. On ne veut pas rentrer dans le trouble alimentaire nous-mêmes et exclure des aliments. Les patientes vont devoir s'exposer à des aliments qui font peur et qui sont sans doute évités. On n'ajoute pas de collation nécessairement au début parce que c'est déjà un défi de se réalimenter sur les trois repas. Mais éventuellement, c'est quelque chose qu'on va travailler aussi. Excuse-moi de t'interrompre, est-ce que ça t'arrive souvent d'avoir juste un refus de collaboration parce que c'est trop confrontant de se remettre à manger? Tout à fait. C'est là où on va regarder un petit peu les différentes options parce que de façon générale, on va favoriser la voie orale pour la réalimentation. Si une patiente n'arrive pas à compléter entièrement ses plateaux, on peut envisager le recours à des suppléments nutritionnels pour aider à compléter. On va avoir une combinaison de nourriture et de suppléments à boire. Dans un cas de refus complet ou en présence d'un syndrome de réalimentation, parfois on peut avoir recours à la nutrition entérale via sonde nasogastrique, donc un TNG, un tube nasogastrique. Dépendamment, si c'est un refus alimentaire et que les options ont été tentées, nourriture, suppléments à boire, on va se diriger vers la nutrition entérale. Dans un refus, on va avoir tendance souvent à fonctionner par bolus. Pour que ce soit plus physiologique, on va donner des quantités de nutrition entérale aux heures de repas, soit trois ou quatre bolus dans la journée. Dans un contexte de syndrome de réalimentation, parfois on va peut-être envisager plus une nutrition entérale en continu parce qu'on a dit qu'il y a des débalancements au niveau des électrolytes, mais aussi des enjeux au niveau de la glycémie avec les repas, on va avoir une augmentation de la glycémie, mais qui peut rechuter aussi par la suite avec des pics d'insuline. Donc, d'avoir des fluctuations dans les glycémies comme ça, on veut éviter. Le fait d'avoir une nutrition entérale en continu, ça va nous permettre de stabiliser ça. Une fois qu'on a stabilisé ça, graduellement, avoir recours à la nutrition par bolus pour être plus physiologique et éventuellement reprendre l'alimentation. Effectivement, le plan alimentaire va être individualisé et va tenir compte des particularités alimentaires de la jeune, donc s'il y a des allergies alimentaires, des intolérances, s'il y a certaines aversions prédatant le trouble alimentaire, parce qu'on ne veut pas être dans l'accommodement du trouble alimentaire, donc on ne veut pas être à l'écoute de tout ce qu'elles ont évité, je ne veux plus de glucides, je ne veux plus de matières grasses, je vais faire un peu avec elles le tri dans tout ça. Puis on va regarder également, on a parlé de maladies chroniques, donc s'il y a présence aussi d'une maladie chronique comme le diabète de type 1, maladie de Crohn, maladie céliaque, on va ajuster évidemment le plan alimentaire en fonction de tout ça. Un point important, des fois les patientes vont avoir un certain virage alimentaire au travers de leur trouble alimentaire. Donc oui, je suis dans des restrictions alimentaires, mais soudainement, j'ai le désir d'être végétarienne ou d'être végétalienne, quand ça se produit au travers du trouble alimentaire, c'est un symptôme du trouble alimentaire. Donc on ne va pas l'accommoder dans notre fonctionnement, dans notre plan de réalimentation, on ne va pas ouvrir la porte au végétalisme. Ça peut déjà contrecarrer un petit peu nos... Je me permets de rajouter, si jamais on voit qu'il y avait un régime alimentaire restrictif comme le végétalisme ou le végétarisme, on va aller vérifier s'il n'y a pas d'autres déficits vitaminiques qui sont associés à la vitamine B12. En fait, tout ce que j'entends depuis tantôt, c'est le traitement, ce n'est pas un médicament, c'est la nourriture. Exactement. C'est ça, le traitement. Le traitement, c'est manger. C'est la nourriture, exactement. Il n'y a pas de pilule miracle. Pour renourrir notre cerveau, pour éliminer tous les symptômes physiques, il faut manger. Si je reviens avec notre réalimentation, souvent, on va essayer de travailler sur un délai de plus ou moins trois jours pour arriver à compléter les apports, donc à manger la totalité de notre plan alimentaire. Ce travail-là va être fait en individuel. Si je parle des patientes qui sont hospitalisées sur une unité de type milieu de vie comme au CITCA, le Centre intégré des troubles alimentaires ou en pédopsychiatrie, c'est un milieu de vie. Quand les patientes vont commencer à se réalimenter, c'est difficile. On ne complète pas nécessairement nos plateaux du jour au lendemain. On va permettre cette progression-là sur trois jours. Il va y avoir un accompagnement soit par une infirmière, une éducatrice spécialisée, une psychoéducatrice au besoin pour aider la patiente à progresser et arriver à manger la totalité de ses plateaux. Les patientes qui seraient hospitalisées plus sur l'unité de pédiatrie, en ce qui nous concerne au CHU Sainte-Justine, souvent, les patientes vont peut-être plus manger avec les parents. Comme il n'y a pas une équipe multi autour, les parents vont essayer de reprendre le contrôle et d'aider leurs jeunes à cheminer au niveau de la reprise alimentaire. Donc une fois que les patientes mangent la totalité de leurs plateaux, on continue avec ça en ayant un objectif de prise pondérale parce que c'est notre objectif oui de se réalimenter, mais il faut gagner du poids. On va avoir généralement un objectif d'environ un kilo par semaine. En moyenne, c'est ce qu'on va viser en hospitalisation, effectivement. Ça va être moins... J'imagine qu'il ne faut pas leur dire à ces patientes-là? On peut leur dire? On peut le dire, en fait. Il y a aussi une question de transparence. On s'attend quand même à travailler en collaboration et en équipe avec les patients. C'est quelque chose qu'on peut mentionner et d'être clair par rapport à ce qui est visé en général pour tout le monde au niveau de l'hospitalisation. C'est la même chose pour la clinique externe. Si on veut que le jeune ait confiance aussi dans les soins qu'on lui donne, c'est important quand même d'être transparent. Et les jeunes ont perdu leurs repères. Ils ne savent plus c'est quoi manger normalement.« Qu'est-ce que mon corps a besoin? » Souvent, ils ont l'impression qu'on les fait manger plus que ce qu'ils auraient besoin. Dans certains cas, oui, les besoins sont augmentés, mais bien souvent, on va partir avec les besoins réels d'un jeune adolescent. C'est de les réhabituer. Il y a beaucoup d'influence sur le web. Oui. L'objectif, ce n'est pas nécessairement... On nous dit des fois, vous voulez nous faire engraisser. Mon objectif, c'est de retrouver ta santé. On n'est pas dans le poids. Le poids, c'est un facteur parmi tant d'autres, mais ce n'est pas ce qu'on veut. On va souvent revenir aux complications médicales. Tu vois, ton cœur bat lentement, ton cerveau est ralenti. Tu me dis que tu as plus de misère à te concentrer. Tu n'as pas tes menstruations. Donc ton corps est en train de t'envoyer plein de signaux que tu n'es pas en santé en ce moment. Donc nous, ce qu'on veut, c'est de t'aider à retrouver la santé. D'où le fait d'être transparent par rapport à ce qu'on vise. Oui, on veut travailler la prise de poids, mais ça ne va pas être la seule chose - on va en parler tantôt - qu'on travaille. On va travailler différents aspects du trouble alimentaire. Mais c'est sûr que, comme tu l'as super bien dit, la nourriture, c'est le médicament. Ça fait partie intégrante de ce qu'on va vouloir aller chercher. Bien souvent, on n'a pas d'objectif de poids pour l'hospitalisation. On ne dit pas qu'on doit atteindre tel poids avant d'avoir congé d'hospitalisation. Moi, dans mon évaluation, c'est sûr que je vais essayer de cibler une zone de poids souhaitable, qui est une fourchette de poids. Ce n'est pas un poids fixe, et ça reste une estimation aussi, mais ça nous donne un certain repère. Et je vais me baser sur les courbes de poids et de taille antérieures. Je vais m'informer du poids maximal, le poids qu'elle pesait avant le trouble alimentaire. Bien souvent, elles vont partir d'un poids qui était tout à fait juste pour elle. On a perdu le contrôle. Avec tous ces repères-là, on est capable de cibler, grosso modo, une zone de poids pour nous orienter, nous, en tant que professionnels. Merci. J'ai l'impression qu'on pourrait parler encore des heures et des heures. C'est tellement intéressant ce que vous dites. Est-ce que vous voulez juste qu'on termine l'épisode avec le rappel de c'est quoi la prise en charge multimodale? Tantôt, tu as parlé un peu des familles. Voulez-vous me parler de ce qui se fait après que moi, je ne les vois plus à l'hôpital? Comment vous les prenez en charge, ces patientes? C'est ça, en fait, on a beaucoup parlé de la prise en charge à l'hôpital, mais c'est important de savoir que ce qu'on va viser pour un patient qui a un trouble alimentaire, c'est le niveau d'intensité de traitement le moindre. On voit des patients passer par l'hôpital, mais il y a aussi beaucoup de patients qui ne passent pas par l'hôpital et qui sont simplement suivis en clinique. Et c'est ce qu'on va essayer de maintenir. Donc, on a plusieurs approches thérapeutiques, mais l'approche qui est comme recommandée en première ligne pour le traitement des troubles alimentaires, c'est ce qu'on appelle la family-based therapy, ou la FBT, ou approche familiale. C'est un peu l'équivalent de ce qu'on fait à l'hôpital, donc enlever le pouvoir décisionnel aux troubles alimentaires, parce que le trouble alimentaire est tellement envahissant et c'est tellement dur pour le jeune de prendre des décisions au niveau de ce qu'il va manger, mais en fait, on remet cette responsabilité-là aux parents, au lieu de la remettre à l'hôpital. Donc, c'est le parent qui reprend le contrôle, en fait, de l'alimentation et qui aide son enfant à manger. Donc, c'est un peu comme une responsabilité partagée. Le parent est responsable de s'occuper des quantités et des portions, sachant qu'il a toujours été capable d'amener son enfant en santé et le garder en suivant sa courbe de croissance. Donc, il n'y a pas de raison de pourquoi le parent n'aurait pas les capacités ou les habiletés pour le faire. Le jeune, lui, sa responsabilité, c'est de manger ce que son parent lui propose et nous, on les accompagne et on les suit et on s'assure aussi de la sécurité au niveau médical. C'est basé un peu sur ces grands principes-là et c'est encore une fois basé sur le principe de la nourriture est le médicament. Donc, le but, c'est de renourrir le cerveau pour qu'il soit capable de faire la part des choses entre qu'est-ce qui est le trouble alimentaire et qu'est-ce qui n'est pas le trouble alimentaire actuellement. Et plus on renourrit le cerveau, plus on est capable d'avoir ce combat-là qui se fait, en fait. Mais c'est sûr qu'on va utiliser d'autres approches thérapeutiques, donc on va combiner ça avec parfois de la thérapie individuelle, parfois de la médication si jamais il y a des comorbidités importantes comme de l'anxiété ou de la dépression qui est associée. Parfois, on va faire beaucoup du motivationnel avec le jeune. Donc, on va essayer de travailler avec le jeune pour voir ce serait quoi les motivations pour guérir du trouble alimentaire. Donc, il y a différentes approches comme ça qu'on peut combiner. Il y a aussi la DBT pour la régulation émotionnelle. Donc, tout au plein d'approches qu'on peut combiner pour offrir les meilleurs soins. La DBT, c'est la Dialectical Behavioral Therapy? Dialectical Behavioral Therapy. On va aller beaucoup travailler justement les enjeux au niveau de la régulation émotionnelle, le contrôle des émotions pour certains patients qui en auraient besoin. Pas tous les patients en ont besoin et pas tous les patients ont besoin de toutes ces modalités thérapeutiques-là. Mais c'est important de voir que le pilier, c'est vraiment d'essayer de retirer le pouvoir décisionnel, ou le contrôle au trouble alimentaire. Pas au jeune, mais vraiment au trouble. Comme à la troisième personne, le trouble. Oui. On aime bien l'externaliser, le trouble. De dire, tu n'es pas ton trouble. Le trouble prend des décisions qui ne sont pas bonnes pour toi ou pas bonnes pour ta santé. Et à ce moment-là, on travaille avec eux à ce que cette perception-là devienne partagée. Je pense que ça termine super bien l'épisode, Dina. Merci beaucoup. Merci beaucoup, Stéphanie. On va mettre dans les références un paquet de ressources super utiles. On n'a pas eu le temps notamment de parler du soutien au repas, les 4 C, mais ça va être mis dans les références. J'espère que vous avez apprécié cet épisode-là. Je retiens que le premier traitement, notamment de la nourriture restrictive, c'est la nourriture. Il n'y as pas de médicament miracle. Que c'est une maladie très difficile, très complexe, mais il y a un pronostic plutôt favorable si c'est pris en charge tôt et de façon adaptée à la patiente ou au patient. Il faut être patient pour guérir de ça, mais il y a des bons pronostics. Il y a des bonnes équipes mises en place. Autant en milieu hospitalier qu'en ambulatoire. Merci beaucoup pour cet épisode. Merci. Tourlou!