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Baladodiffusion éducative sur les médicaments en pédiatrie, en collaboration avec le CHU Sainte-Justine 🏩💊 S’adressant principalement aux professionnelles et professionnels de la santé, le balado propose en 30-45 minutes un tour d’horizon clinique et pratique sur des sujets pédiatriques variés. Également disponible en format vidéo (YouTube @mg par kilo - balado)
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Épisode 16 | Maladies inflammatoires de l'intestin
Avec Émile Demers, pharmacien en gastro-entérologie, Geneviève Lahaie-Reilly et Omar El Bissany, nutritionnistes en gastro-entérologie pédiatrique, nous allons:
- rappeler les bases sur les maladies inflammatoires de l’intestin (MII), soit la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse;
- expliquer les aspects nutritionnels à considérer dans les MII et aborder certains mythes et réalités sur la nutrition;
- résumer les principaux médicaments couramment utilisés en maladie de Crohn et en colite ulcéreuse.
Références:
- Ruemmele, M., Veres, G., Kolho, K. L., Griffiths, A., et al. (2014). Consensus guidelines of ECCO/ESPGHAN on the medical management of pediatric Crohn's disease. Journal of Crohn's and Colitis, 8(10), 1179–1207.
- Heuschkel, R. B., Menache, C. C., Megerian, J. T., & Baird, A. E. (2000). Enteral nutrition and corticosteroids in the treatment of acute Crohn's disease in children. Journal of Pediatric Gastroenterology and Nutrition, 31(1), 8–15.
- Crohn et Colite Canada. (2025) Nutrition entérale.
- Parada Venegas, D., et al. (2019). Short chain fatty acids (SCFAs)-mediated gut epithelial and immune regulation and its relevance for inflammatory bowel diseases. Frontiers in Immunology, 10, 277.
- El Amrousy, D., et al. (2022). Adherence to the Mediterranean diet improved clinical scores and inflammatory markers in children with active inflammatory bowel disease: A randomized trial. Journal of Inflammation Research, 15, 2075–2086.
- Mack, D. R., et al. (2019). Canadian Association of Gastroenterology Clinical Practice Guideline for the Medical Management of Pediatric Luminal Crohn’s Disease. Journal of the Canadian Association of Gastroenterology.
- Fantodji, C., Rousseau, M.-C., Nicolau, B., Madathil, S., Benedetti, A., & Jantchou, P. (2024). Early life exposures and risk of inflammatory bowel disease: A nested case-control study in Quebec, CA. Digestive and Liver Disease.
- Crohn’s and Colitis Foundation. (2017). Standardized Assessment Tools for Pediatric IBD patients: Pediatric Crohn’s Disease Activity Index (PCDAI) and Pediatric Ulcerative Colitis Activity Index (PUCAI)
- Gordon, H., et al. (2024). ECCO Guidelines on Therapeutics in Crohn’s Disease: Medical Treatment. Journal of Crohn's and Colitis, 18(10)
- CHU Sainte-Justine. (2020)Immunisation et maladie inflammatoire de l’intestin [Brochure]
Les invité(e)s et l'animatrice ne déclarent aucun conflit d'intérêt.
Captation et montage: Philippe Lacroix, spécialiste en audiovisuel
Idée originale, réalisation et animation: Émilie Roy-St-Pierre
Conseillères en communication: Katrine Louis-Seize et Pascale Chatagnier
Logo: Équipe des communications et du graphisme du CHU Sainte-Justine
Musique: Samuel Ross
Collègues, ami(e)s et famille, merci pour votre précieux soutien.
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En collaboration avec le CHU Sainte-Justine, membre du Réseau mère-enfant de la francophonie.
Bienvenue à Milligrammes par kilo, un balado qui parle de médicaments en pédiatrie. L'information contenue dans ce balado ne remplace pas le jugement professionnel. Il s'agit d'un survol de divers sujets pour les professionnels de la santé ou pour toute personne intéressée. Bonne écoute! Salut tout le monde, je m'appelle Émilie Roy-St-Pierre, je suis pharmacienne en pédiatrie générale et votre animatrice du balado Milligrammes par kilo. Aujourd'hui, on va parler des maladies inflammatoires intestinales. Donc, on va parler de la maladie de Crohn, de la colite ulcéreuse, on va parler des aspects nutritionnels à considérer et des principaux médicaments couramment utilisés en pédiatrie. Donc, on va en parler avec trois invités que j'ai très hâte de vous présenter. Donc, on a Émile, Geneviève et Omar. Donc, est-ce que vous voulez vous présenter un peu plus? Oui, je peux y aller. Donc, merci pour l'invitation Émilie, ça fait plaisir d'être ici. Je m'appelle Émile Demers et moi, je suis pharmacien ici en gastro-entérologie, entre autres, au CHU Sainte-Justine. Moi, c'est Geneviève Lahaie-Reilly, nutritionniste avec l'équipe de gastro-hépato-nutrition de Sainte-Justine. Je suis là depuis 2019. Moi, Omar El Bissany, nutritionniste en gastro et je suis là depuis 2021. Cool! Bien, merci beaucoup de m'accorder votre temps pour parler des MII. Donc, on va commencer justement en résumant les bases sur les maladies inflammatoires d'intestin. Elles sont aussi appelées les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin en Europe, les MICI. Donc, Émile, veux-tu un peu nous parler, là, c'est quoi l'épidémiologie, la physiopathologie de cette condition? Oui, oui, je vais me lancer. Donc, dans les MII, les maladies inflammatoires de l'intestin, finalement, il y en a deux principales qui se différencient de toutes sortes de façons. La première, c'est la maladie de Crohn, puis la deuxième, c'est la colite ulcéreuse. Si jamais il y avait des gens d'Europe qui nous écoutent, la colite ulcéreuse, on l'appelle un peu plus souvent la rectocolite hémorragique. Donc, tout au long de la discussion, je vais juste parler soit des deux en même temps, mais sinon, on va essayer de les différencier un petit peu entre les deux. Donc, comment on décrit un peu ces maladies-là? Bien, c'est des maladies chroniques, puis c'est caractérisé par des périodes de rechute puis des périodes de rémission en termes d'inflammation intestinale. Qu'est-ce qui cause cette inflammation-là? Normalement, on dit c'est idiopathique, donc on ne sait pas exactement qu'est-ce qui cause, mais dans les faits, plus le temps avance, puis plus on a des données qui nous permettent de savoir qu'est-ce qui est impliqué dans l'apparition de ces maladies-là. Normalement, on dit qu'il y a une part génétique, donc la présence ou l'absence de certains gènes. Il y a aussi le microbiote intestinal qui a une grosse influence sur l'incidence de ces maladies-là. Puis finalement, il y a tout le rôle de l'environnement dans lequel on vit qui, on le sait, a une grosse incidence sur ça. Juste pour donner une petite idée, on disait qu'en 2023, il y a environ 325 000 Canadiens qui avaient ce diagnostic-là. On retient que c'est quand même un des taux de prévalence les plus élevés dans le monde. Puis en 2035, on pense qu'il va y avoir un peu plus de 1 % des Canadiens qui vont vivre avec une maladie inflammatoire de l'intestin. Donc c'est quand même quelque chose de non négligeable, surtout en considérant que c'est une maladie chronique qui engendre des coûts de traitement et d'hospitalisation quand même importants. La majorité des nouveaux diagnostics, quand est-ce qu'on a cette nouvelle-là, qu'on vit avec cette maladie-là, c'est souvent entre 20 et 35 ans. Donc oui, c'est une maladie chronique, mais si on a un nouveau diagnostic à 25 ans, ça se peut que dans les 24 années précédentes, il n'y ait absolument aucun symptôme, puis qu'au final, on arrive à 25 ans, puis là, il y a des premiers symptômes apparaissent. Mais depuis quelques années, les taux d'incidence sont stables chez les adultes. C'est vraiment chez les enfants que le rythme des nouveaux diagnostics est vraiment en augmentation. Est-ce que la présentation est pire chez les enfants? En règle générale, on dit qu'au diagnostic, les présentations des enfants sont un petit peu plus sévères. L'atteinte est un petit peu plus extensive au niveau des sites intestinaux atteints. Donc, on pourrait dire que disons, en moyenne, oui, c'est un petit peu plus sévère. Puis là, je tiens tout de suite à différencier parce qu'il y a aussi une autre maladie très différente qui s'appelle le syndrome du côlon irritable. Puis ça, c'est vraiment deux entités différentes parce que, oui, il y a des symptômes qui se recoupent énormément, mais dans le syndrome du côlon irritable, il n'y a pas de tableau inflammatoire, il n'y a pas d'activité inflammatoire, il n'y a pas de dommages intestinaux objectivés. Donc, c'est deux trucs vraiment différents. Merci pour la précision. Peut-être un peu plus précisément, comment ça se présente une MII? Bien, si on essaie un peu de différencier les deux, on parle d'inflammation intestinale, mais en fait, dans la maladie de Crohn, l'atteinte peut aller de la bouche à l'anus inclusivement. Ça peut être certains segments, ça peut être plusieurs, plusieurs segments, c'est très variable. Tandis que pour la colite ulcéreuse, comme son nom l'indique, l'atteinte est uniquement au côlon. Il y a une atteinte rectale aussi. Donc, ce n'est pas toujours tout le côlon, mais c'est certaines parties du côlon qui sont atteintes. Les symptômes qui reviennent le plus souvent, dont on entend le plus souvent parler, c'est des diarrhées, des douleurs abdominales, du sang dans les selles, des selles nocturnes fréquentes, une perte de poids inexpliquée. C'est souvent ça, dans les dernières semaines, derniers jours, avant d'aller consulter, qui sont les motifs de la consultation principale. C'est quand même, pour les gens qui vivent avec ça et qui ne sont pas bien contrôlés, c'est assez handicapant, parce qu'au final, tous les déplacements, toute l'organisation de ta journée, si tu n'es pas bien contrôlé, ça dépend d'à quel point tu as une toilette qui est proche. C'est ça, c'est stressant si tu es en voyage. C'est ça, s'il faut que tu fasses un trajet de deux heures, il faut que tu regardes c'est quand les haltes. Il y a même des applications qui existent pour ça, que les gens téléchargent, pour savoir où est la toilette la plus proche de chez moi. Donc, c'est assez lourd comme symptôme. Pour essayer encore de différencier un petit peu les deux, quand on parle de sang frais, très rouge, beaucoup, beaucoup de sang dans les selles, là, ça pointe plus vers une atteinte colique, donc peut-être plus une colite ulcéreuse. C'est sûr aussi qu'il y a des colites de Crohn uniquement qui existent, peut-être un petit peu moins fréquentes. Puis, surtout pour le Crohn, la présentation est assez variable, puis ce qui arrive souvent aussi, c'est que le motif de consultation initiale, c'est même pas un symptôme digestif, parce qu'il y a plein de manifestations extra-intestinales du Crohn, notamment au niveau de la peau, au niveau des yeux, au niveau des articulations. Les gens peuvent aller consulter parce qu'ils se disent,« depuis des semaines, j'ai mal au poignet, j'ai mal au genou, je comprends pas pourquoi ». Puis là, de fil en aiguille, ils se ramassent avec un diagnostic de Crohn alors qu'ils n'avaient aucun symptôme intestinal. Je trouve ça intéressant que tu mentionnes ça. Maintenant, je vais vous amener dans un cas qu'on va pouvoir regarder un peu tout au long de l'épisode. Disons, Émile, que j'ai une adolescente de 13 ans que tu vois dans ton équipe interdisciplinaire. C'est un nouveau diagnostic de Crohn, justement, mais il n'y a pas d'antécédents familiaux de MII. Avec ses parents, ils ont lu un peu sur Internet. Elle ne comprend pas pourquoi cette condition, vu que, génétiquement, il n'y en a pas de diagnostiqués cliniquement. Ça serait quoi les autres facteurs de risque qui l'aurait prédisposée justement à sa maladie de Crohn? Ça, je pense que c'est intéressant aussi d'aborder avec les patients assez rapidement parce qu'il peut y avoir des parents qui ont un certain niveau de culpabilité par rapport à ce nouveau diagnostic-là pour leurs enfants, de dire, « Oh là là, qu'est-ce que j'ai fait de pas correct? C'est quoi les erreurs que j'ai faites? » Mais au final, il n'y a pas vraiment d'erreurs que les parents puissent avoir commises parce que, bon, justement, le facteur de risque le mieux documenté, le mieux connu, c'est le fait d'avoir des parents du premier degré qui ont un diagnostic. Mais en même temps, même si c'est le plus connu, ça concerne seulement 10 % des patients. Tous les autres patients qui n'ont pas de parents du premier degré atteints, ça veut dire qu'il y a toutes sortes d'autres facteurs de risque. Qu'est-ce qui est bien documenté? Bon, il y a le tabagisme qui concerne souvent relativement peu nos patients, mais qui est quand même bien documenté. Puis ça, c'est toujours un peu drôle, je le mentionne quand même, même si ça concerne plus les adultes, mais on sait, les revues de littérature ont montré que le tabagisme, c'est délétère pour le risque d'avoir une maladie de Crohn, mais ça a un effet protecteur pour la colite ulcéreuse. C'est quoi les mécanismes derrière ça? C'est pas super bien expliqué. Puis moi, je nuance toujours en disant qu'il y a toutes sortes d'autres bénéfices à arrêter de fumer. Ne commencez pas à aller fumer! Non, mais on ne peut pas dire que ça augmente le risque d'avoir une colite. Mais bon. Après ça, on dit que les maladies inflammatoires, c'est vraiment la maladie de pays développés, occidentaux, des pays industrialisés. Pourquoi? Bon, il y aurait peut-être l'influence d'un certain niveau de pollution atmosphérique, le fait qu'on mange énormément d'aliments transformés, très, très riches en calories. Puis je pense que mes collègues nutritionnistes vont pouvoir rediscuter de ça tantôt. Puis toutes sortes d'autres habitudes de vie. Bon, sédentarité, niveau de stress. Tout ça, c'est beaucoup des hypothèses. Puis ce qu'on sait aussi, puis ce qui est intéressant, c'est que pour les immigrants qui viennent de pays où est-ce que les taux de prévalence sont plus faibles, quand ils déménagent, mettons ici au Canada, leur risque d'avoir la maladie inflammatoire de l'intestin augmente. Donc les immigrants, ils adoptent le risque du pays où ils arrivent. Puis c'est encore plus vrai pour les enfants qu'ils vont avoir ici, finalement. Ça, ça met en lumière vraiment toute l'influence des facteurs environnementaux, puis les habitudes de vie à ce moment-là. Oui. Ben oui. Puis un autre point quand même cocasse qui souligne ça, c'est qu'au sein d'un même pays, certains pays européens comme la France, il y a même des gradients nord-sud qui ont été décrits au sein d'un même pays, comme quoi il y aurait plus de maladies dans le nord, mais il y en aurait moins dans le sud. Donc là, est-ce que c'est... Tu sais, c'est pas une influence du système de santé, c'est pas vrai. Peut-être l'alimentation, le niveau d'ensoleillement, la vitamine D, ça aussi, ça fait partie des hypothèses. OK, c'est bon. Bien merci beaucoup, c'est une bonne introduction sur les maladies inflammatoires de l'intestin. Donc je retiens quand même que le taux d'incidence est très élevé dans les pays à haut revenu, puis qui est en croissance chez les moins de 18 ans au Canada actuellement. Oui. J'ai bien compris? Parfait. Je vais continuer avec toi, en fait, Émile, pour un peu survoler les catégories de traitement. Puis après ça, on en reparlera plus vers la fin, parce que j'ai envie de m'intéresser aussi à l'aspect nutritionnel. Oui. Donc c'est quoi un peu les objectifs thérapeutiques qu'on veut atteindre justement quand on a un nouveau diagnostic? Bien, c'est sûr qu'on présente ça un peu par étapes, mais l'objectif final, c'est ce qu'on appellerait la rémission profonde. Puis ça, il y a comme trois couches, on va dire. La première, c'est la rémission clinique. C'est de regarder l'enfant, l'adulte qu'il y a devant nous, puis de dire, bien, il n'y a plus aucun symptôme. Les symptômes initiaux de présentation, ils sont réglés. Il n'a plus de problème de selle nocturne, il n'a plus de rectorragie, rien. L'enfant se sent bien, puis il vaque à ses activités. Mais des fois, les enfants comme ça, on le sait avec diverses investigations que la maladie n'est pas vraiment contrôlée. Puis ça, on peut le voir par exemple à une endoscopie de contrôle. Donc ça, on veut atteindre une rémission endoscopique. On passe la caméra, on regarde, il n'y a plus de lésions, il n'y a plus d'ulcères. C'est comme une rémission endoscopique. Puis le dernier niveau, c'est la rémission histologique. Donc pendant la scopie, on va faire des biopsies, on va regarder s'il y a des signes d'inflammation, puis ça, c'est vraiment, quand on atteint ce niveau de rémission-là, on sait qu'on est vraiment en rémission profonde. Comment on fait pour y parvenir? Honnêtement, ça prend des médicaments dans pas mal tous les cas, tous les diagnostics. Il y a vraiment plusieurs catégories de médicaments. Puis comment on fait pour choisir l'un versus l'autre? C'est sûr que les traitements ne sont pas exactement les mêmes selon que ce soit une colite ou un Crohn, mais ça dépend aussi de la sévérité de la présentation. Donc la sévérité, on la voit tout d'abord, comme je disais, à l'endoscopie. À quel point est-ce qu'il y a plusieurs sites intestinaux atteints? Est-ce qu'il y a des complications qu'on a vues aussi à l'imagerie, comme par exemple des sténoses dans la maladie de Crohn, des choses comme ça? Et on va aussi utiliser, il y a des scores de sévérité qui existent, comme le PUCAI, pour la colite ulcéreuse, en anglais, c'est Pediatric Ulcerative Colitis Activity Index. Le PUCAI. C'est ça, avec une variante aussi pour le Crohn. Donc ça, c'est des données comme, est-ce qu'il y a présence de douleurs abdominales, combien de selles par jour, est-ce qu'il y a de la fièvre, est-ce que... je ne me rappelle plus tout par cœur. Mais c'est des scores validés qu'on utilise? Oui, qui ont été utilisés comme en recherche dans les papiers. Puis finalement, il ne faut pas l'oublier, mais le choix de thérapie, ça va aussi dépendre de la préférence des patients et des familles, parce que c'est important aussi que le meilleur traitement, c'est celui qu'on prend, donc on veut s'assurer que le patient le prend. La chirurgie fait partie des options de traitement. Je pense qu'on peut dire qu'on essaye de s'en sauver le plus possible, mais il y a des présentations plus sévères où est-ce que ça devient une première ligne urgente et on ne peut pas vraiment s'en sauver, comme si on mettait un mégacôlon toxique ou une perforation majeure avec un sepsis. C'est sûr que c'est rare à la présentation initiale, mais ça peut arriver. Puis ce que je peux dire aussi par rapport à ça, c'est que les médecins ont tendance à introduire le concept de chirurgie assez tôt dans les discussions avec les patients, parce qu'ils veulent que si jamais on se rende là, que les familles aient le temps un peu de se faire à l'idée de dire « Ah OK, c'est ça qui va arriver, c'est ça les conséquences possibles. » Pour pas que ça ne soit une surprise? C'est ça, parce que ça peut être assez déstabilisant. OK, je comprends bien. Merci beaucoup pour cette mise en bouche sur les traitements. Je me tourne vers vous Geneviève, Omar, pour les aspects plus nutritionnels. C'est quoi votre rôle, vous, justement, on a notre adolescente de 13 ans, nouveau diagnostic, c'est quoi le « counselling » que vous lui faites quand vous la rencontrez? Nous, en tant que nutritionnistes, notre rôle va vraiment être de procéder à son évaluation nutritionnelle. Cette patiente-là, elle se présente avec différents symptômes. Est-ce qu'elle a eu une perte de poids? Est-ce qu'il y a des aliments qui sont plus ou moins bien tolérés? Ça va vraiment être d'aller regarder tout ça, puis de regarder comment elle va se présenter avec cette maladie-là. Puis de voir s'il y a une malnutrition, entre autres, qui s'est développée. Si oui, comment on va la régler, cette malnutrition-là, comment on va aller la corriger par différents moyens. Sinon aussi, d'aller regarder s'il y a des carences qui se sont développées ou si elle est à risque de carences aussi. Ça va être aussi d'aller regarder cet aspect-là. Puis ce qu'on va aussi aller vouloir voir, c'est est-ce que ça pourrait être une bonne candidate pour la thérapie nutritionnelle exclusive. Ça aussi, ça va être quelque chose qu'on va aller regarder. Puis finalement, on répond à ses questions. C'est souvent des familles qui vont avoir beaucoup de questions, beaucoup de craintes aussi. Donc on répond à toutes leurs craintes. Puis finalement, on établit un suivi. On détermine un suivi, tant et aussi longtemps que c'est nécessaire. Là, tu as parlé de la thérapie nutritionnelle exclusive. C'est quoi exactement? C'est quoi les critères? Dans le fond, la thérapie nutritionnelle exclusive, c'est un traitement nutritionnel exclusif, le nom le dit, exactement, où on va être alimenté à presque 100 % d'une formule complète polymérique avec vitamines, minéraux, protéines, tout ce qu'on a besoin à l'intérieur. L'autre 5 % étant, mettons, les liquides clairs en parallèle, juste pour le confort, pour goûter autre chose. Puis dans le fond, cette thérapie-là va permettre de faire un repos digestif pour vraiment calmer un peu l'inflammation qui se passe. Puis ça a été démontré pour avoir des résultats aussi efficaces que la cortisone pour atteindre la rémission. Donc dans un certain cas, on peut avoir par exemple une patiente qui a une bonne malnutrition avec une perte de poids, avec une atteinte illéale, c'est vraiment nos deux critères idéaux. Finalement, ça ne fonctionne pas avec les colites ulcéreuses. Donc quand on a la maladie de Crohn, on va pouvoir à ce moment-là discuter possiblement si le médecin est d'accord. Évidemment, avant qu'on arrive avec ça, on peut faire un « screening » avec la patiente si c'est quelque chose qui est réaliste avec le contexte, parce que ce n'est pas quelque chose qui se fait à la légère, bien évidemment. Et puis là, on va atteindre la rémission clinique au travers d'un repos digestif. Et puis l'argument, le fait que c'est aussi efficace que la cortisone, dans les effets secondaires, la cortisone, c'est vraiment quelque chose qui peut faire une grosse différence pour les familles de se dire, « mon Dieu, c'est naturel », puis avec une perte de poids, souvent quand on va avoir une alimentation comme ça, riche en calories, protéines et tout le reste, ça nous aide vraiment à corriger la malnutrition en plus de faire le repos digestif, calmer l'inflammation intestinale. OK. Pardon, je t'interromps, mais ça, c'est vraiment de la littérature plus pédiatrique? C'est vraiment de la littérature pédiatrique. Dans les « guidelines » en pédiatrie, c'est le « gold standard », c'est ce qu'on devrait recommander en première ligne pour justement nos patients maladies de Crohn avec malnutrition, atteinte illéale et tout ça. Et puis à l'adulte, je ne sais pas si... Ça pourrait se faire à l'adulte, mais ce n'est pas quelque chose au niveau de la compliance qui est évident de leur côté dans le camp pédiatrie. C'est un petit peu plus évident quand on a le soutien de la famille, quand on a tout le monde autour de nous qui nous encourage, les médecins y compris, quand on parle d'effets secondaires. La cortisone, ce n'est pas sans influence sur la croissance, sur un paquet de choses. Donc en pédiatrie, on est vraiment, veut, veut pas, sensibilisé par rapport à ça. C'est ça que j'allais dire aussi. Je pense que dans la présentation initiale ou même au décours de la maladie qui est mal contrôlée pendant longtemps, un retard de croissance, je pense que c'est quelque chose qui apparaît souvent chez nos patients. Ça, la thérapie entérale exclusive, ça a comme un intérêt de plus par rapport à la cortisone qui peut venir quasiment aggraver ça si c'est pris à long terme. Tout à fait, tout à fait. C'est vraiment fonctionnel par rapport à une atteinte illéale, comme Émile a dit un peu plus tôt, le Crohn, c'est de la bouche jusqu'à l'anus, c'est vraiment tout le tube digestif au complet. Quand c'est un Crohn avec une atteinte colique, il n'y aura pas des résultats très efficaces si on veut, mais dans certains cas, quand on n'a pas d'autres options thérapeutiques à cause qu'on a une prise d'antibiotiques par exemple, dans un contexte d'abcès ou autre, on ne peut pas commencer un médicament pour traiter la maladie inflammatoire, bien, on peut se décider entre temps de faire quand même la thérapie exclusive pour traiter quand même en partie ou du moins essayer de calmer un peu l'inflammation qui se passe dans les intestins, puis après ça, une fois que la thérapie d'antibiotiques est terminée, passer vers autre chose. Est-ce que vous avez beaucoup de patients sous la thérapie nutritionnelle...? Pas beaucoup, ça nous arrive des fois de temps en temps. Avant un petit peu plus, mais maintenant on est beaucoup rendu avec d'autres options aussi que la cortisone pour ce qui est d'atteindre, de faire une rémission, donc ça arrive de temps en temps. Ce qui peut nous arriver plus qu'avant, c'est de faire un combo, une bithérapie où est-ce que souvent ils veulent commencer un anti-TNF par exemple, avec une thérapie exclusive pendant quatre semaines par exemple, où est-ce qu'on va pouvoir renourrir le patient, calmer l'inflammation, en même temps que d'avoir le médicament qui va en parallèle fonctionner, donc ça c'est ce qu'on voit plus récemment. C'est pas tous les médecins qui décident de prendre cette avenue-là, c'est très patient, médecin-dépendant et tout, mais il reste que nous de notre côté, on voit vraiment tous les bénéfices que ça peut créer, cette fameuse thérapie exclusive-là, nutritionnelle. Et pour avoir ces bénéfices-là justement, chez les patients maladie de Crohn avec atteinte illéale, il faut vraiment que ça soit exclusif, parce que le partiel, on n'aura pas les bénéfices exclusifs? Exactement, c'est une super bonne question, ça a été étudié, est-ce que de façon partielle, ça pourrait fonctionner autant, puis d'avoir une alimentation régulière 50% du temps par exemple, puis 50% du temps, l'alimentation qui serait comblée avec la thérapie nutritionnelle, mais ça n'a pas démontré d'effet. À ce moment-là, si c'est fait de façon partielle, ça aura plus l'impact d'un supplément finalement, que d'un traitement en tant que tel. OK, je comprends. Ça va aider la malnutrition, mais pas le traitement de l'inflammation en tant que tel. Donc, voilà. Puis c'est quoi qu'on utilise comme produit, j'imagine, on ne l'achète pas à l'épicerie nécessairement? Non, pas du tout. C'est une bonne question, parce qu'il y a toutes sortes de produits disponibles en pharmacie par exemple, sur les tablettes et tout ça, c'est pas ce genre de produit-là qu'on utilise. Nous, on a vraiment besoin, étant donné que c'est 95% de l'alimentation, que c'est ça qui va nous aider à combler nos besoins. Ça prend une formule qui est complète, que tout ce qu'on a, vitamines, protéines et compagnie, calories aussi. Nous, quand on calcule nos besoins, qu'on veut donner à un patient, on regarde le degré de malnutrition, est-ce qu'on a un rattrapage pondéral à faire, donc c'est vraiment personnalisé par rapport à ça. Donc, généralement, on y va avec une formule polymérique, mais il y a possibilité d'avoir n'importe quelle formule complète, nutrition liquide, qui va fonctionner. Donc, on a des patients que ça a arrivé où est-ce qu'on avait une allergie à la protéine de lait. Généralement, on va donner une formule qui complète avec la protéine de lait. Donc, dans ce cas-là, on est un petit peu mal pris. On est allé vers une autre formule qui était hypoallergène, qui ne contenait pas de protéines de lait, c'était des acides aminés. Ça a super bien fonctionné. Ça fait que c'est vraiment l'idée du repos digestif. Puis, comme c'est sur plusieurs semaines, c'est ça, on n'a pas le choix d'aller vers quelque chose de complet pour ne pas avoir de carences, de problèmes sous-jacents. Justement, pour cette substitution-là, d'utiliser les formules qu'on utiliserait dans la nutrition entérale? Tout à fait. Puis, c'est sûr que généralement, c'est un traitement qui est fait de façon orale. Donc, on veut une formule qui goûte bon. Oui, c'est ça. Il y a des façons de l'aromatiser un petit peu pour donner des petits goûts pour pas que ça goûte toujours la même chose matin, midi, soir. Parce que si notre alimentation, c'est que ça, ça implique que c'est nos trois repas par jour, c'est nos collations. C'est des bonnes quantités quand même. C'est des bonnes quantités. On a déjà eu un 3 litres, ça a été le plus gros pour un grand ado athlète qui a des grands besoins énergétiques. On peut concentrer quand c'est de la poudre, ça nous aide à mettre un petit peu plus de concentration, mais c'est quand même des gros volumes. Déjà, quand on a une procédure dentaire, je me suis fait arracher mes dents de sagesse, je trouvais ça long la diète liquide après. C'est comme, me nourrir sur suppléments liquides, imagine pendant 4 à 6 semaines... C'est ça, exact. Dépendamment si on fait une bithérapie avec un autre médicament en parallèle, on va pouvoir avoir un 4 semaines généralement. Des fois, un petit peu moins selon, mais sinon, le classique, c'est 6 à 8 semaines. Et c'est vraiment là qu'on voit plus d'impact au niveau de la prise de poids, de calmer l'inflammation et tout le reste. C'est ça, on leur dit que c'est temporaire. On fait beaucoup de blabla avec la famille où est-ce qu'on leur dit de faire attention à ça bien évidemment et de peut-être partager un petit bouillon tout ensemble avant le repas principal par la suite. Et on leur dit, ça c'est ton repas. Il faut vraiment que ça soit traité comme un repas. Comme dit Geneviève, tu ne vas pas le boire tout seul dans ton coin. On prend le temps, il faut que ça reste quand même une expérience, dans la mesure du possible, quelque chose de positif. Je comprends. Avec justement tous ces produits-là, le risque de carence nutritionnelle est très très faible. Mais là, si je reviens à notre adolescente, elle a entendu plein de choses, elle veut savoir qu'est-ce qui va la faire guérir plus vite. Est-ce qu'il faut qu'elle fasse une diète particulière comme du sans gluten, du sans fibre, sans lactose? Parce qu'il y a tout le temps quelqu'un qui a entendu quelqu'un pour qui ça l'a fonctionné, lui. Qu'est-ce que vous leur dites à ces gens? C'est une très bonne question. Et effectivement, ça nous revient à toutes les fois. C'est normal que les gens veulent savoir, est-ce qu'il y a quelque chose que je peux faire qui va tout... Quelque chose de concret, qu'on est fort dessus? Un miracle, exactement. Mais la réponse, c'est qu'il n'y en a pas de diète miracle. Donc ça, c'est pas quelque chose qui, en tout cas aujourd'hui, est étudié ou en tout cas a été déterminé. En gros, ce qu'on dit, c'est qu'on va beaucoup s'adapter en fonction des symptômes gastro-intestinaux. C'est vraiment la gestion de symptômes, en gros, par rapport à la diète. C'est sûr que si, par exemple, la patiente avec le Crohn a une sténose, c'est sûr que si on a vraiment une notion de sténose, oui, on va limiter les fibres insolubles. On va même vouloir beaucoup les réduire pour éviter qu'il y ait une occlusion, une sub-occlusion. Si jamais il y a une intolérance au lactose, à ce moment-là, elle va être transitoire. C'est pas une intolérance qui va nécessairement perdurer dans le temps. Le fait de retirer le lactose d'emblée, c'est pas nécessairement quelque chose qu'on va recommander parce que bien souvent, ce n'est tout simplement pas nécessaire. Par rapport à la diète sans gluten, honnêtement, à moins que tu aies déjà une intolérance au gluten ou une maladie céliaque, encore là, ça ne va pas nécessairement changer quelque chose. Ça, on l'entend aussi très souvent. On pense que le gluten ou quoi que ce soit est le démon, mais pas du tout. C'est ça. Si à la base, tu n'as pas de maladie céliaque ou tu n'as pas de sensibilité au gluten, tu pourrais en consommer sans problème. Y'a-t-il un aliment qui serait un peu plus à faire attention? C'est sûr que le maïs, puis ça, on le connaît tous, pis même les parents des fois, ils nous le mentionnent même avant qu'on le dise. C'est sûr que le maïs, oui, on va le faire attention. Ce n'est pas quelque chose qu'on va nécessairement recommander pis dire « Ah, tu peux en consommer autant que tu veux. » Surtout pas sur une sténose. Lle maïs, ce n'est pas quelque chose qu'on va recommander, mais éventuellement, quand ça va bien aller, puis quand il y aura... quand la personne va être en rémission, elle peut en consommer une fois de temps en temps sans problème. Est-ce que c'est le maïs même sous forme de pop-corn? Oui. Donc le pop-corn, le maïs en grain. Le maïs entier, oui. C'est sûr que la fécule de maïs, ça ce n'est pas un problème. L'huile de maïs non plus. La farine de maïs, c'est correct. Les croustilles qu'on connaît, c'est correct. Donc tu peux aller manger des tacos aussi? Oui, oui, oui. Exact. C'est vraiment plus le grain puis le pop-corn. Le côté mécanique, c'est vraiment de la chose. Surtout quand on est en période d'inflammatoire, on peut avoir justement la lumière de l'intestin qui est un petit peu réduite, donc on veut éviter d'avoir justement des problèmes de sub-occlusions et autres. Donc c'est certain, surtout le maïs qu'on connaît, c'est difficile à digérer pour tout le monde. Oui. Fait qu'on va recommander, particulièrement en période de rechute, parce que c'est vraiment des montagnes russes... Moi, en tout cas, Omar et moi, on parle beaucoup de deux phases quand on a nos maladies inflammatoires, en période de rechute, en période de rémission. En période de rechute, c'est là qu'on est symptomatique, c'est là où est-ce qu'on a le plus de risque d'avoir des effets secondaires [symptômes] liés à la maladie inflammatoire, dont la sténose, donc tout ça. Fait que c'est vraiment plus dans ce contexte-là qu'on va leur dire de faire attention à plus de choses. Mais quand on est en rémission, on a une diète plutôt... il n'y a pas vraiment de restrictions. Comme Omar disait, c'est une gestion de symptômes, donc on s'adapte selon, cliniquement, comment le patient va. Ok, c'est comme un peu tout le monde, on recommande par exemple la diète méditerranéenne. Ben, c'est ça. Tu sais, nous, notre angle. À nous, comme je disais, il y a deux phases. En période de rechute, on va y aller avec les symptômes cliniques, on va essayer de soulager le patient, c'est vraiment ça notre angle. Après ça, en période de rémission, quand on va bien, si tu tolères bien le lactose, on va réintroduire le lactose, mettons que tu l'avais retiré, ça se peut que ce soit transitoire à cause de l'inflammation ou est-ce que les fonctions d'intestin pour larguer la lactase est moins efficace, donc on va vraiment ajuster. Certains patients peuvent être un peu mieux sans gluten temporairement, revenir après. Mais quand on est de retour vraiment en haut de la courbe, où est-ce qu'on est en période de rémission, notre angle, c'est vraiment la santé du microbiote. C'est vraiment ça qui est notre objectif premier, parce qu'un microbiote en santé, ça a vraiment plein d'effets bénéfiques surtout pour nos patients avec une maladie inflammatoire, autant Crohn que colite. Parlant de microbiote, qu'est-ce que tu dis pour les probiotiques à tes patients? Au niveau des probiotiques, il n'y a pas de recommandation comme telle sur telle souche ou quoi que ce soit. C'est sûr que d'avoir un microbiote en santé, ça ne va pas nuire. Mais à quel point ça va aider, que ça va faire une différence, ce n'est pas démontré. Donc c'est ce qu'on leur dit. C'est sûr qu'on ne va pas leur mentionner d'introduire et d'essayer les probiotiques en grosse période de rectorragie, quand on ne va pas super bien. S'ils veulent l'essayer, c'est encore là dans notre phase un peu plus de quand ça va bien, où est-ce qu'on veut repeupler peut-être notre microbiote, mais il n'y a pas de recommandation à ce jour. Peut-être un jour il va y en avoir, mais à ce point-ci, consommer des fibres alimentaires avec une diète comme la diète méditerranéenne, où est-ce qu'on a justement pas trop d'aliments transformés, pas trop de sucre, pas trop de sel, aliments cuisinés maison, on pourrait même avoir des bons gras à l'intérieur de tout ça, c'est vraiment l'idéal. Puis toutes les fibres alimentaires contenues dans la diète méditerranéenne, ça va nourrir les bactéries intestinales, puis là ça va faire une espèce de cascade, où est-ce qu'on va avoir la production d'acides gras à chaîne courte, qui eux ont vraiment des propriétés anti-inflammatoires. C'est pour ça que la diète riche en fibres n'est pas un traitement, mais c'est sûr que ça aide au niveau de la santé digestive, puis ça peut juste aider tout le reste par rapport à la maladie inflammatoire. Super. J'ai une dernière question avant de passer aux médicaments. Est-ce que votre « counselling » aurait changé si l'adolescente avait eu une colite ulcéreuse? Bien, pas vraiment, dans le sens où ça reste une maladie inflammatoire, c'est sûr qu'on ne proposera pas de thérapie nutritionnelle exclusive, comme l'a mentionné Geneviève plus tôt, c'est vraiment plus pour les personnes atteintes de maladie de Crohn, mais essentiellement, on est vraiment plus basé sur est-ce qu'il y a une malnutrition, est-ce qu'il y a un risque de carence, est-ce que... le degré d'atteinte, qu'est-ce qui est atteint exactement, puis en fonction des craintes du patient ou de la patiente. OK, parfait. Merci beaucoup. En fait, j'ai vraiment beaucoup appris en discutant avec vous. Puis là, Émile, je reviens vers toi, pharmacien d'étage en gastro. Hm-hm! Donc là, par exemple, un Crohn modéré-sévère qui se présente, c'est quoi les options de traitement? Puis là, tu me parlais justement de la rémission, le maintien. C'est quoi les grandes catégories de médicaments? Bien, mettons, c'est ça, on distingue des médicaments qui sont capables d'induire une rémission puis ceux qui vont être capables de le maintenir. Il y en a qui font les deux en même temps, mais il y en a que non. Une première ligne qu'on voit souvent, pas systématiquement, mais souvent, c'est les fameux corticostéroïdes, souvent intraveineux au début, puis par la bouche par la suite. Donc ça, c'est ce qu'on va donner au moins temporairement, pour au moins débuter l'induction de la rémission, mais c'est jamais, jamais utilisé comme traitement de maintien à long terme. Il y a beaucoup trop d'effets secondaires, donc c'est seulement un traitement d'induction. Quelque chose qu'on va voir, justement, pour une patiente qui serait hospitalisée, avec une présentation relativement sévère, bien on commencerait avec de la méthylprednisolone intraveineuse, 1 à 2 mg/kg par jour, en une ou deux prises, puis on continuerait ça jusqu'à temps qu'on ait une bonne réponse, puis chez certains patients, la réponse, ça peut survenir assez vite, c'est l'une des raisons pourquoi on l'utilise aussi. Des fois, en 48- 72 heures, on a des miraculés, donc on est content de ça, ça peut prendre quelques jours de plus, mais quand même. Donc, pour ces patients-là hospitalisés, bien je dis hospitalisés parce qu'il y a plein de patients qui ont leur diagnostic en externe, qui ont une présentation initiale pas assez sévère, pour nécessiter une hospitalisation, mais mettons, pour revenir à ce patient-là, fictif à l'hôpital, bien c'est sûr qu'il a besoin d'un traitement de fond assez rapidement, puis on est dans le domaine de la pédiatrie, donc les options documentées, approuvées, sont très limitées. Actuellement, c'est intéressant à savoir quand même, mais au Canada, la seule classe de médicaments qui a une indication officielle en pédiatrie pour des maladies inflammatoires d'intestin, ce sont les fameux anti-TNF alpha, donc l'infliximab ou l'adalimumab. L'infliximab est intraveineux, puis l'adalimumab est sous-cutané. Quand on le présente aux patients, souvent on va dire bien, les deux sont efficaces pour induire puis maintenir la rémission, donc là, il y a un volet préférence patient, est-ce qu'ils vont être capables de gérer eux-mêmes les médicaments par injection sous-cutanée d'un stylo à la maison à chaque deux semaines, ou est-ce qu'il aime mieux que ce soit beaucoup moins souvent, que ce soit chaque quatre à huit semaines, l'intraveineux, il y a un volet de préférence patient-famille là-dedans. Comme dans toutes sortes d'autres domaines pédiatriques, on se fie énormément sur les données adultes. Puis en adulte, il y a plusieurs classes de médicaments qui peuvent être utilisées. Dans les 20 dernières années, le traitement s'est complètement changé, surtout depuis l'avènement des premiers biologiques. Avant ça, en Crohn, c'était assez simple. On commençait par des corticaux, puis après ça, on s'en allait sur ce qu'on appelait les immunomodulateurs. L'azathioprine, la 6-mercaptopurine, puis après ça aussi, le méthotrexate en maintien. On l'utilise de moins en moins souvent pour différentes bonnes raisons. Premièrement, ce sont tous des médicaments qui prennent des semaines, voire des mois à vraiment agir. Donc, c'est jamais une bonne idée de le débuter seul. Il faut toujours le combiner à un autre traitement d'induction. Il y a aussi plusieurs effets secondaires qui ne sont pas présents avec toutes sortes d'autres de nouvelles classes. Donc, on l'utilise de moins en moins. Il y a aussi toutes sortes d'autres inquiétudes au niveau d'effets secondaires spécifiques en pédiatrie. Les thiopurines, on a certaines inquiétudes au niveau du lymphone surtout chez les jeunes garçons, séronégatif EBV. On essaie d'éviter ça autant que possible. Le méthotrexate, on essaie d'éviter ça, admettons, chez les adolescentes qui seraient en âge d'avoir des enfants. Il y a tout un risque tératogène. On essaie de faire attention à ça. Mais là, après ça, c'était pour le Crohn. En colite ulcéreuse, la première ligne, même dans les formes qui se rapprochent du plus sévère, il y a les fameux 5-ASA. Ça, c'est la mésalamine. Il y a toutes sortes de formulations différentes. Quand moi, je l'explique à des patients, à des familles ou à des étudiants, j'explique que la mésalamine, c'est comme une crème intestinale qu'on viendrait appliquer et ça agit vraiment de façon topique. Le but, ce n'est pas que ce soit absorbé et qu'il y ait un effet systémique. C'est vraiment juste de rendre le traitement au niveau de l'épithélium intestinal atteint. Le défi, c'est qu'il faut que ça se rende parce que quand on fait juste donner le principe actif comme ça, il est absorbé de façon très proximale dans l'intestin et là, il n'y a plus rien qui se rend au site. Donc, ça prend des comprimés à libération prolongée qui vont se rendre jusqu'au côlon. C'est pour ça qu'on peut dire que la mésalamine, on ne peut pas croquer, écraser, on ne peut pas le dissoudre dans l'eau. Il faut que ce soit pris entier. Il y a relativement peu d'effets secondaires. C'est juste qu'au niveau de l'observance, ça peut être difficile. C'est souvent plus qu'une fois par jour, deux ou trois fois par jour. Il y a certains comprimés qui sont très gros. Ça peut être difficile pour certains jeunes enfants, ados. Donc, c'est ça. Il y a ces petits défis-là qui peuvent venir aussi en ligne de compte. Si jamais l'observance est difficile, justement, as-tu une alternative à proposer? L'observance, ça dépend. Mettons, pour la mésalamine elle-même, il y a une formulation qui est connue pour avoir une libération qui s'étend sur 24 heures. Donc, il y a un choix qui existe qu'on est sûr que si on le prend juste une fois par jour, l'efficacité est supposée être la même. La contrepartie, c'est que le comprimé, il est vraiment plus gros, mais s'il y en a qui sont capables de les prendre, tant mieux, la prise juste une fois par jour, c'est facile. Ok. Donc, là, tu m'as parlé un peu plus de toutes ces classes de médicaments-là qu'on connaît bien. Dans la pharmacopée, qu'est-ce qui s'est ajouté? Veux-tu nous en parler un peu des nouveaux traitements? Oui. Comme j'ai déjà... On venait de parler des biologiques. Les premiers biologiques, c'était les anti-TNF alpha, qui sont maintenant utilisés depuis plus qu'une vingtaine d'années, qu'on connaît bien, qui sont documentés en pédiatrie. Donc, c'est pour ça aussi, parce qu'il y a tout l'angle de remboursement là-dedans. Il faut que ce soit couvert en externe. Donc, c'est pour ça que les anti-TNF alpha, comme l'infliximab puis l'adalimumab, plus souvent qu'autrement, c'est la première ligne, autant en colite ulcéreuse qu'en maladie de Crohn dès qu'elle est considérée sévère, parce qu'on sait qu'on va être capable de faire rembourser ça en externe. Après ça, il y a plusieurs autres biologiques qui sont apprarus sur le marché. On peut penser à l'ustékinumab, qui est l'anti-interleukine 12 et 23. On peut penser au védolizumab, qui est l'anti-intégrine. C'est super intéressant. Ça, c'est vraiment comme un biologique qui a un site d'action spécifique à l'intestin. Donc, c'est très intéressant, mais tout ça, ça reste des thérapies approuvées puis étudiées surtout chez les adultes. Il commence à y avoir des papiers pédiatriques, mais en termes d'indication officielle, de capacité de le faire rembourser, c'est rarement des premières lignes. L'autre nouvelle classe qui fait de plus en plus son apparition, incluant chez nos plus jeunes patients, c'est ce qu'on appelle les petites molécules. En fait, c'est dans la grande classe des anti-JAK. On pense à l'upadacitinib, au tofacitinib. Quand on regarde, mettons, un adulte avec un nouveau diagnostic, tous ces traitements-là que je viens de mentionner, ils ne sont pas sur un même pied d'égalité, mais c'est tous des potentielles bonnes premières lignes, autant en induction qu'en maintien. Puis là, après ça, on essaye de les choisir selon les spécificités du patient. Mettons, s'il y a une présentation très sévère au niveau périanal, une fistule périanale qui est une complication de la maladie de Crohn, bien là, ça, on sait que l'infliximab, c'est mieux documenté pour ça, c'est une première ligne. Mais là, après ça, si on a un patient adulte qui a une phobie maladive des aiguilles, bien là, c'est sûr qu'on va aller un petit peu plus vite vers les petites molécules, parce que ça reste une bonne première ligne. Donc, il y a des avantages et des désavantages pour les deux. Exemple, les petites molécules, ce qu'on aime aussi, c'est que quand on les arrête, bien, ça prend 2-3 jours, puis là, tout l'effet est disparu. Donc, le niveau d'immunosuppression, c'est beaucoup plus facile de le contrôler, tandis que si on prend un anti-TNF alpha, tu reçois ta dose, bien là, pour 2-4-6 semaines, c'est dans ton sang, puis là, peu importe ce qui arrive, il faut que tu le cures. En pédiatrie, aussi, pour les anti-JAK, il faut considérer le fait que il n'y a pas de solution orale pour nos très petits patients, parce que les diagnostics arrivent de plus en plus tôt, on a beaucoup de diagnostics qui arrivent avant l'âge de 10 ans. Mais il reste que pour ces patients-là, comme j'ai dit, d'un point de vue disons organisationnel, réglementaire, être capable de faire couvrir l'anti-TNF alpha, ça reste notre première ligne, puis là, une fois qu'on a échoué ça, là, on va se tourner vers toutes ces données adultes.– Je comprends. Merci beaucoup, Émile, ça aide beaucoup à placer les choses dans ma tête.– C'est parfait.– Je reviens à notre cas patient, justement, elle va commencer l'infliximab, puis là, elle a eu sa ménarche il y a 6 mois, puis là, elle se demandait pour ses douleurs menstruelles, est-ce qu'elle va pouvoir prendre des AINS, des anti-inflammatoires non-stéroïdiens, comme l'ibuprofène ou le naproxène, parce qu'elle s'est fait dire qu'elle ne peut pas en prendre.– Oui, puis effectivement, disons, dans notre formation de pharmacien, là, c'est probablement une des premières choses qu'on nous apprend, c'est que les AINS chez les patients avec maladies inflammatoires de l'intestin, c'est non, puis on ne peut pas en prendre. Il y a un fond de vérité à ça, mais après, il faut quand même qu'on le mette en parallèle avec d'autres facteurs. Premièrement, bon, d'où ça vient, bien, c'est sûr qu'il y a des études rétrospectives qui ont regardé l'exposition aux AINS puis le risque d'avoir un nouveau diagnostic ou une rechute d'une maladie inflammatoire, mais souvent, ces études-là, elles sont un peu biaisées avec ce qu'on appelle le biais protopathique, où est-ce que, finalement, l'exposition suit l'incidence et non l'inverse. Donc, les patients ont déjà commencé à prendre un AINS parce qu'ils avaient des symptômes d'une maladie qui était déjà présente. Donc, ce n'est pas cet AINS-là qui a causé la maladie. Là, c'est un peu de différencier... c'est difficile de différencier ça. C'est un peu confondant. C'est ça, c'est ça. Puis, après, je veux dire, des fois, les patients, ils vont avoir de la douleur, tu sais, on peut leur dire, OK, commencez par la dose maximale d'acétaminophène, on va essayer de contrôler des douleurs menstruelles ou des douleurs après une blessure, peu importe. Puis là, après ça, qu'est-ce qui arrive? On passe tout de suite aux narcotiques? Ce n'est pas toujours super intéressant. On veut qu'elle continue à aller à l'école, fait que si on réussit à la contrôler un peu avec des AINS... L'absentéisme scolaire chez les enfants et les ados avec des maladies inflammatoires de l'intestin, c'est déjà tellement un problème. Si ça prend 2-3 jours d'un anti-inflammatoire pour la replacer puis la remettre sur pied, bien, tu sais, on devrait prendre ce risque-là. Parfait. Merci beaucoup à vous trois. C'est très intéressant. Vous nous avez vraiment bien expliqués les médicaments, le côté nutritionnel pour essayer d'induire justement une rémission clinique et endoscopique et histologique le plus possible, la rémission profonde. Donc, on va mettre plusieurs références dans la description de l'épisode. Merci à vous, chers auditeurs, de nous avoir écoutés. Comme d'habitude, abonnez-vous à Instagram et Facebook. Je mets des messages clés, je publie les prochains épisodes. N'hésitez pas à laisser un commentaire, à partager à vos amis. Tourlou!