mg par kilo - balado

Épisode 7 | Épilepsie (partie 1)

Émilie Roy-St-Pierre Episode 7

Avec Dr Philippe Major, neurologue pédiatrique, et Marianne Boulé, pharmacienne au CHU Sainte-Justine, nous allons:

Partie 1:

  • définir l’épilepsie et l’impact qu’elle a sur la vie des patients;
  • distinguer les convulsions provoquées de celles non-provoquées;
  • discuter des principales lignes de traitements pharmacologiques.

Partie 2: 

  • expliquer les principes de la diète cétogène chez les patients vivant avec une épilepsie réfractaire;
  • identifier les médicaments qui doivent être évités en diète cétogène;
  • résumer les traitements chirurgicaux et la neuromodulation.


Références:

Les invité(e)s et l'animatrice ne déclarent aucun conflit d'intérêt.

Captation et montage: Philippe Lacroix, spécialiste en audiovisuel
Idée originale, réalisation et animation: Émilie Roy-St-Pierre
Conseillères en communication: Katrine Louis-Seize et Pascale Chatagnier
Logo: Équipe des communications et du graphisme du CHU Sainte-Justine
Musique: Samuel Ross
Collègues, ami(e)s et famille, merci pour votre précieux soutien.

© mgparkilo 2025

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En collaboration avec le CHU Sainte-Justine, membre du Réseau mère-enfant de la francophonie.

Bienvenue à Milligrammes par kilo, un balado qui parle de médicaments en pédiatrie. L'information contenue dans ce balado ne remplace pas le jugement professionnel. Il s'agit d'un survol de divers sujets pour les professionnels de la santé ou pour toute personne intéressée. Bonne écoute! Salut tout le monde, je m'appelle Émilie-Roy St-Pierre, pharmacienne en pédiatrie générale et votre animatrice pour le balado Milligrammes par kilo. Aujourd'hui, on va faire un tour d'horizon sur l'épilepsie en pédiatrie et ça va se diviser en deux parties, donc deux épisodes, parce qu'on a beaucoup, beaucoup de choses à dire. Donc, je suis contente d'accueillir aujourd'hui le docteur Philippe Major et Marianne Boulé. Donc, je vais vous laisser vous présenter à tour de rôle. Je te laisse te présenter. Moi, c'est Marianne Boulé, pharmacienne à Sainte-Justine depuis 2018 en pédiatrie générale et je suis aussi la pharmacienne répondante pour l'équipe de neurologie. Donc, je travaille avec eux sur quelques projets. Excellent, merci. Moi, je suis Philippe Major, je suis neurologue pédiatrique. Ça fait plus d'une quinzaine d'années que je travaille à Sainte-Justine et je m'occupe en particulier des enfants qui ont de l'épilepsie. Merci beaucoup pour l'invitation. Merci à vous d'être là et de prendre le temps de venir en jaser avec moi. Donc, pour mettre la table, Philippe, on pourrait définir l'épilepsie. C'est quoi exactement? L'épilepsie, c'est une maladie qui n'est pas si rare que ça en pédiatrie. Après la migraine, c'est probablement une des maladies neurologiques les plus fréquentes. Ça touche en fait, l'épilepsie, surtout les enfants puis à l'autre extrême de la vie, les personnes plus âgées. Ça touche en fait 0,4 à 1% de la population. Donc, c'est assez fréquent. Et c'est une maladie qui a plusieurs formes et plusieurs sévérités. Il y a des formes qui sont très légères, qui ont relativement peu d'impact et d'autres qui ont des forts impacts chez les patients. Tout dépend un peu de la cause aussi. En fait, c'est une maladie qui est définie cliniquement. De manière très simple, c'est la survenue d'au moins deux convulsions non provoquées qui nous permettent de poser le diagnostic. Tout est important là-dedans. Donc, après une crise, on n'est pas considéré......donc après une convulsion, on n'est pas considéré comme étant épileptique. Après une crise, le risque d'en refaire une deuxième est autour de 30-40%. Mais c'est quand on en a une deuxième que là, on pose le diagnostic d'épilepsie puis qu'il y a le risque d'en faire une troisième. La troisième augmente à peu près à 70%. La plupart du temps, on va suggérer un traitement après, mais pas nécessairement. Il y a des petites exceptions à tout ça. Puis non provoquées. Pourquoi non provoquées? C'est parce que, évidemment, la plupart d'entre vous connaissez les convulsions fébriles. Donc, c'est une cause fréquente de crise provoquée. Donc, quand on fait des convulsions fébriles, on n'est pas épileptique. On est provoqué par quelque chose. D'autres exemples, il y en a plusieurs en fait. Par exemple, tu as un trauma crânien, tu es un joueur de hockey, tu te fais plaquer. Commotion cérébrale. Tu peux convulser sur la glace et c'est une convulsion provoquée. Ce n'est pas de l'épilepsie. Dans les mois subséquents, il peut développer des crises non provoquées puis là, il devient considéré comme ayant de l'épilepsie. D'autres exemples, spasme du sanglot. Pour ceux qui ont des jeunes enfants, en tout cas, c'est 5% de la population ou 5 à 10% des enfants qui vont pleurer, pleurer, pleurer. Arrêter de respirer, peuvent tomber dans les pommes. Puis, il y en a qui convulsent avec ça. Donc, ça crée de l'anxiété pas mal. Ce n'est pas de l'épilepsie non plus. Puis, il y a des patients par exemple qui ont un trouble électrolytique, sodium, etc., peuvent convulser, mais ça aussi, c'est provoqué. Donc, c'est très important comme clinicien de faire la différence entre une crise provoquée ou non provoquée. Je me dis, ça doit être impressionnant pour le parent quand même. Quand il ne sait pas, ça doit faire vraiment peur. Oui, ça fait peur. De voir son enfant convulser comme ça. C'est certain que parmi les maladies qu'on peut voir, c'est une qui peut être parfois spectaculaire, on va dire, ou impressionnante. Puis, la première fois qu'on voit notre enfant convulser, il y a beaucoup de parents qui nous disent,« J'avais l'impression qu'il allait mourir. J'ai perdu la notion du temps. » Notre rôle, c'est de rassurer les parents. Il faut dire que, bon, c'est quoi une convulsion? On peut dire qu'est-ce que c'est une convulsion, mais disons, physiologiquement, c'est comme un groupe de neurones qui déchargent de l'électricité de manière, disons, synchrone. Et ça peut faire perdre conscience, ça peut faire faire des mouvements répétés, etc., etc. Notre cerveau, évidemment, fonctionne avec l'électricité. On en a besoin pour réfléchir, parler, bouger. Mais quand tous les neurones déchargent en même temps, ça fait une convulsion. En tant que tel, si on a une convulsion courte, ce n'est pas tant dangereux, en fait, pour le cerveau. Même si c'est très impressionnant, ce n'est pas si dangereux. La personne peut convulser, mettons, fait une convulsion une ou deux minutes, elle va récupérer, ça va cesser, elle va être fatiguée. C'est la phase post-ictale. Elle peut être confuse, avoir besoin de dormir, etc., puis se réveiller, puis la vie continue après. Ce qui peut être dangereux, c'est, disons, je me promène dans la rue, je fais ma convulsion au milieu de la rue, puis, ... je suis dans mon bain, je convulse, et ça, c'est très, très dangereux, évidemment. Je peux me noyer. Ou sinon, des convulsions qui durent très longtemps, on ne va pas s'attarder sur le status epilepticus, mais ou l'état de mal épileptique qu'on devrait dire en français, c'est 30 minutes de crise continue. Ça, potentiellement, ça peut avoir un impact direct sur le cerveau parce que les mécanismes compensatoires, hémodynamiques, etc., sont un peu dépassés quand la crise dure trop longtemps. OK, je comprends bien. Puis, dans le fond, comment tu diagnostiques l'épilepsie? Disons, à l'histoire, il y a eu plus de deux convulsions non provoquées. Juste de façon générale, quels examens tu fais passer à l'enfant? Donc, le diagnostic, il repose sur la clinique. Donc, est-ce que, oui ou non, la personne a fait au moins deux crises non provoquées? Vous allez voir qu'on demande des électroencéphalogrammes. C'est un test qui est un vieux test, ça fait plus de 100 ans qu'on l'utilise. On enregistre l'activité électrique du cerveau, puis la majorité du temps, on voit des anomalies à l'oeil, j'ai des petites pointes, tout ça, mais ce n'est pas nécessaire parce que ce n'est pas un test parfaitement sensible ou spécifique. Ce n'est pas nécessaire d'avoir les pointes pour poser le diagnostic, mais ça vient, deux choses, ça vient supporter notre impression clinique, on se dit, « oui, oui, ce que le parent nous a dit ou maintenant ce que le parent nous a montré sur les vidéos, sur le téléphone, c'est fort probable que ce soit des crises ». Puis, en plus, ça nous permet, pour des épilepsies focales, parce qu'on pourrait revenir sur les types d'épilepsies, mais des épilepsies où il y a un foyer spécifique, de pouvoir être plus précis en disant,« oui, ça a l'air de partir du lobe temporal gauche ou lobe temporal droite, puis ça nous permet des fois de corroborer notre impression clinique. Parce que ce que je n'ai pas nécessairement dit, c'est que les crises focales, en fait, c'est très important de prendre une bonne histoire, parce que si la crise commence, par exemple, par une aphasie, après ça progresse vers des symptômes moteurs, bien, on se dit, « bien, ok... C'est où? Ah oui, c'est le lobe dominant, c'est à gauche, à telle place. » Puis, quand on fait l'EEG, puis qu'on a des pointes à l'endroit où on avait notre hypothèse, ça vient nous conforter dans notre diagnostic. Parce que c'est certain que si on ne pose pas le bon diagnostic, comme dans tout, on a beau donner les meilleurs médicaments, ça ne va pas marcher. C'est important de bien caractériser l'épilepsie. Exactement. D'ailleurs, est-ce que tu voudrais me parler juste en quelques phrases des grands types d'épilepsies? Oui. Donc, bien, le clinicien, lui, quand il questionne le patient ou la famille, il veut savoir, la première question, est-ce que c'est généralisé ou focal? Ça va déterminer autant l'investigation que le traitement. Donc, classiquement, les crises généralisées, bien, un bon exemple qu'on a, c'est les absences. Les absences de l'enfance, c'est le type d'épilepsie le plus commun. C'est un enfant qui peut en faire, bien, parfois des dizaines, des centaines par jour pendant 5 à 10 secondes. Des centaines? Ça peut arriver, oui, malheureusement. Des fois, on les sous-estime, même, quand les parents ont tendance à les sous-estimer, mais c'est pendant 5 à 10 secondes, en moyenne, l'enfant va juste figer. Puis là, tout à coup, il reprend, comme si ce temps-là n'avait jamais existé. Alors, ce n'est pas, en tant que tel, dangereux, mais encore une fois, ça peut être associé avec des blessures. Mettons, tu es en train de courir, tu fais une absence, tu peux un peu continuer à courir, mais tu peux aussi t'enfarger, puis tu peux tomber, puis etc. Donc, ça, c'est un type d'épilepsie généralisée ou des crises d'emblée généralisées. Donc, la fameuse crise, disons, la plus connue qu'on voit, en fait, pas dans les films, mais toujours mauvaise. Les acteurs ne sont pas très bons. Enfant, c'est souvent les crises tonico-cloniques généralisées. Vous voyez ça dans les dossiers, c'est une phase tonique, on devient raide, raide, raide, pendant quelques secondes. Des fois, il y a un cri associé, puis ensuite, il y a des mouvements cloniques, donc répétitifs. Des fois, on peut perdre les urines, on peut se mordre la langue, etc. Ça, c'est les convulsions généralisées, l'épilepsie généralisée. La deuxième catégorie, c'est les crises focales. Ça vient de quelque part. Donc là, on recherche une asymétrie au questionnaire ou quand l'enfant convulse. Par exemple, s'ils nous disent que ça a commencé à la main gauche, un mouvement clonique, ça a progressé l'épaule, le visage, puis après ça, le patient a perdu conscience, puis après ça, ça s'est généralisé de manière secondaire. Donc, c'est une crise focale, motrice, évoluant vers une crise bilatérale tonico-clonique. Donc, c'est important parce que quand on diagnostique des absences, on le sait que ça ne donne rien de faire une imagerie comme un scan ou une résonance magnétique. On ne trouve rien, en fait. C'est normal, à plus forte raison, quand l'EEG nous montre vraiment la signature des absences. Tandis que quand on a des indices d'épilepsie focale, là, il faut faire une imagerie. Idéalement, une résonance magnétique pour éliminer une lésion qui pourrait causer l'épilepsie. Super. C'est super bien résumé. Merci beaucoup. Puis, qu'est-ce que tu dis aux familles, justement, quand là, tu viens de poser le diagnostic, là, tu leur annonces, en gros, comment ça va changer leur vie, à la famille, à l'enfant? Donc, un message qui est important, c'est qu'on tient à ce que la vie de la personne qui a de l'épilepsie continue et soit la plus normale possible. Donc, ça n'empêche pas d'aller à l'école, d'avoir des amis, de faire du sport, de réaliser ses rêves. Ça, c'est le message numéro un. Mais il y a quelques petites choses qu'il faut éviter. Je l'ai mentionné un peu plus tôt. On ne se baigne jamais tout seul. On ne prend jamais de bain tout seul. Ça, évidemment, c'est assez logique. On ne prend pas de risques excessifs. Ça, c'est... pas obligé d'aller faire du parachute. Ou tu peux y aller en duo, mais... En tout cas, il y a toujours des questions.« J'ai-tu le droit de faire ça ? » C'est une question de gestion de risque et de jugement, ultimement. Sinon, tu peux faire pas mal toutes les activités que tu dois faire. La conduite auto est souvent un enjeu. On peut conduire quand on fait de l'épilepsie. La loi, ça va être différent selon les provinces. Au Québec, on veut au moins six mois sans crise, une prise régulière de médicaments et être suivi par un médecin. C'est ça, la loi. C'est un incitatif pour certains de nos patients, par exemple, qui ont un petit problème de compliance. Souvent, c'est l'argument le plus puissant. De dire, écoute, prends tes médicaments. Sinon, tu pourras pas conduire. Faut pas aller faire ton road trip. Exactement. C'est très, très efficace. Donc, c'est ça. Prendre les médicaments de manière régulière, la conduite auto. Pour les métiers futurs, il y a certains métiers qu'on peut pas faire. On s'entend que pilote d'avion, ce n'est pas quelque chose qui pourrait (être fait), même si ton épilepsie est bien contrôlée, on comprend. Mais il y a beaucoup d'autres métiers disponibles pour les personnes qui font de l'épilepsie, selon les intérêts, selon les capacités de chaque personne. Je comprends. Il y a un mythe préjugé qui revient souvent à mes oreilles. C'est, est-ce que mon enfant peut aller voir tel film au cinéma? Il y a le message d'alerte au début. Si vous faites de l'épilepsie, nous suggérons de vous assurer que vous pouvez le regarder. Qu'est-ce que tu en penses de ça? Je vois très bien. C'est une question qu'on se fait poser évidemment très souvent. En fait, l'épilepsie, dans certaines situations, peut être photosensible. Surtout dans des types d'épilepsie généralisée. On peut le voir, nous, quand on fait l'électroencéphalogramme, parce que nos technologues vont faire deux tests, incluant la stimulation lumineuse intermittente, qui est le stroboscope. On le teste à différentes fréquences. C'est une minorité de nos patients qui sont photosensibles. On dit même à peu près 5-10 % seulement. Alors, si tu n'es pas photosensible, et que ce n'est jamais arrivé que tu as une crise avec la lumière stroboscopique, à ce moment-là, vas-y au cinéma, profite de la vie, amuse-toi, vas dans des parties, etc. Ça existe, mais c'est rare. Ça existe, mais c'est rare, et ce n'est pas juste au cinéma. En fait, ces patients-là, ce n'est pas évident, mais ça peut être par exemple à Noël, le sapin qui scintille. Ça peut être en voiture, tu as une rangée d'arbres, et le soleil part. Il y a plusieurs situations. En fait, c'est limitant dans leur vie, mais il faut savoir que ce n'est vraiment pas la majorité, heureusement. Super, merci beaucoup. C'est très bien résumé. Maintenant, on va faire le pont vers les traitements. On a quatre grandes catégories. Notamment, on a les médicaments, qui sont une grosse, grosse catégorie. Une autre catégorie aussi, on a la diète cétogène et autres diètes, dont on va parler dans la partie 2. Et on a également la chirurgie et les options de neuromodulation, dont on va parler également dans la deuxième partie. Donc, Marianne, dans nos médicaments, on a nos fameux anticonvulsivants, qui sont maintenant, je crois qu'on peut dire aussi les médicaments anticrises, les MAC. Mais pour l'épisode, vu qu'on est habitués dans le jargon, on va continuer avec le terme anticonvulsivant. On ne va pas aussi parler des traitements d'urgence, périhospitalier, en cas d'urgence, parce qu'on manque de temps. Je pense qu'il faudrait faire une série complète en neurologie pour pouvoir aborder tout ce qu'on veut. Donc, Marianne, ça serait quoi un médicament anticrise parfait? Un médicament anticonvulsivant qui serait idéal, c'est un médicament qui est de 1 efficace, qui est pris le moins souvent possible dans une journée, qui n'a à peu près pas d'interaction médicamenteuse et qui est très bien toléré, qui n'aurait pas d'effet secondaire. Donc ça, ça serait dans un monde idéal, notre anticonvulsivant de choix. C'est sûr qu'après, les traitements ont toutes leurs propres petites particularités et c'est ça qui fait qu'en épilepsie, on va beaucoup guider notre choix thérapeutique en fonction de différentes conditions, autant par rapport plus aux patients, donc selon son type d'épilepsie ou de syndrome épilepsie, son âge, son sexe et ses comorbidités, mais aussi notre choix va être guidé par le choix thérapeutique de nos médicaments comme tels, selon justement la posologie, donc le nombre de fois par jour qu'on peut le donner, son profil d'effets secondaires et les interactions médicamenteuses. Est-ce qu'il y en a un plus efficace qu'un autre? Non, justement, nos antiépileptiques vont en général, nos anticonvulsivants, être d'efficacité relativement comparable, donc c'est pour ça que le choix de traitement va vraiment dépendre de ses caractéristiques. Donc on individualise le traitement. Exactement, selon notre patient. Super, puis dans le fond, on ne va pas plonger directement dans les doses précises parce que ce serait trop de données dans notre épisode, donc on va vous référer aux banques de données. En fait, un essai thérapeutique pour un médicament, c'est quoi la durée? Je ne sais pas, Philippe, si tu peux nous en parler. Oui, c'est une excellente question. Évidemment, on ne veut pas brûler toutes nos cartouches en une semaine. En général, ce qu'on dit quand on pose un diagnostic d'épilepsie puis qu'on commence un médicament, on veut se donner quatre à sept jours avant d'augmenter la dose. Comme dans la plupart des cas, on commence à la plus petite dose considérée efficace selon le poids, en milligrammes par kilo, et puis après ça, on peut augmenter progressivement jusqu'à dose maximale selon le poids ou selon la concentration sérique, si on peut mesurer le médicament, ou selon la tolérance du patient. Si ça ne fonctionne pas, c'est-à-dire que si l'enfant continue à faire des crises, on peut changer pour une autre monothérapie. Mais ça dépend aussi de la fréquence des crises. Si notre patient fait une crise au mois, ça va nous prendre plusieurs mois avant de se rendre à une dose maximale. Mais s'il convulse trois fois par semaine, ça se peut qu'on fasse un changement un peu plus rapidement. Donc, c'est très variable en fonction des patients. Ok, je comprends bien. Merci. Veux-tu nous parler d'une des molécules les plus prescrites en épilepsie? Oui, le lévétiracétam. On ne pourra pas malheureusement parler de tous les agents, mais on essaie d'en cibler quelques-uns qu'on voit peut-être plus souvent en pratique en pédiatrie. Le lévétiracétam, c'est un très bon exemple. C'est un traitement anticonvulsivant qu'on utilise souvent parce qu'il est utilisé dans différents types d'épilepsie. Donc, on peut l'utiliser autant en monothérapie qu'en traitement adjuvant. On peut autant l'utiliser dans les épilepsies focales et dans les épilepsies généralisées. C'est un médicament qui est intéressant aussi parce qu'il est pris seulement deux fois par jour. Donc, c'est plus facile peut-être dans une vie au quotidien de donner une dose le matin et une dose le soir. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'on a une formulation en solution orale commerciale relativement récemment, depuis quelques années maintenant, qui est disponible. Donc, c'est facile à administrer pour les jeunes enfants. C'est aussi un médicament qui est non métabolisé par nos fameux cytochromes P450, qui sont des enzymes hépatiques qui sont responsables du métabolisme, la dégradation de nos médicaments dans le corps. Donc, c'est un médicament qui a moins d'interactions médicamenteuses que d'autres options de traitement. À date, c'est très intéressant comme médicament. Est-ce qu'il y a beaucoup d'effets secondaires associés? La plupart des anticonvulsivants vont avoir un profil d'effets secondaires en début de traitement qui est similaire avec souvent des cas rapportés de somnolence, d'étourdissement, qui sont généralement bien tolérés, qui disparaissent avec le temps. Ce qui est particulier avec le lévétiracétam qu'on voit en pédiatrie, c'est beaucoup des changements de comportement. C'est des enfants qui peuvent devenir plus agités, plus irritables, avec plus de troubles de comportement. C'est ce qui nous est rapporté et qui est bien décrit aussi dans la littérature. Pour ça, on peut envisager de donner aussi de la pyridoxine, la vitamine B6, aux enfants qui présentent cet effet secondaire. Ce n'est pas quelque chose qui est établi par beaucoup d'études. Il y a quand même quelques études qui ont été étudiées pour voir l'efficacité de la pyridoxine pour diminuer cet effet secondaire. La majorité tente à démontrer une certaine efficacité. C'est sûr que dans notre ratio de risques-bénéfices, c'est une vitamine B qui n'a à peu près pas d'effet secondaire. En pratique, on se permet de l'essayer pour voir si ça ne peut pas aider notre patient, surtout si le lévétiracétam l'aide à bien contrôler ses convulsions. Je comprends bien. On a la pyridoxine, une vitamine qui pourrait venir aider à compenser ces effets secondaires. Exactement. Et permettre de garder notre traitement s'il est efficace. Si on passe à notre médicament suivant, la carbamazépine, veux-tu nous en parler? Oui, certainement. La carbamazépine, c'est un autre anticonvulsivant qu'on voit relativement souvent parce que lui aussi peut être utilisé dans différents types d'épilepsies, autant généralisés que focales. C'est sûr qu'il faut faire attention parce qu'il peut exacerber certains types d'épilepsies, d'où l'importance de bien poser notre diagnostic, notamment dans les épilepsies où il y a plus d'absence et de myoclonie, il faut faire attention. La carbamazépine, elle peut être prise de 2 à 4 fois par jour, tout dépendamment de la forme pharmaceutique qu'on va utiliser, parce qu'il y a des comprimés réguliers, à libération immédiate, puis on en a d'autres à libération plus prolongée, ce qui peut nous aider à réduire le nombre de prises. Mais ce qui est intéressant aussi de la carbamazépine, par contre, c'est qu'elle est disponible en comprimés croquables et en solutions orales aussi. Donc ça nous donne un peu plus d'options de formes pharmaceutiques pour les enfants. Ce qui est à retenir aussi avec la carbamazépine, par contre, c'est son profil d'interactions, parce que c'est un inducteur puissant de différents cytochromes, notamment le 3A4 et le 2B6, donc ça peut présenter quand même beaucoup d'interactions médicamenteuses. Donc c'est à prendre en compte chez un patient qui prend d'autres médicaments. Je pense aussi qu'il s'auto-induit, donc au fil des semaines, il va s'auto-éliminer plus aussi lui-même. Exactement. Ça c'est à prendre en compte dans l'augmentation de nos doses de carbamazépine et dans son efficacité. Dans son profil d'effets secondaires, il va avoir un peu le même profil similaire des autres médicaments, comme j'ai parlé tantôt. Ce qui est particulier de la carbamazépine et qui est très rare comme effet secondaire, c'est des réactions cutanées qui peuvent être très sévères. Donc on parle, entre autres, du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique, qui sont rares, mais qui sont importants de mentionner, par exemple, aux familles, pour qu'ils soient très attentifs si jamais ça survient. Ce qui est intéressant aussi, c'est le profil pharmacogénomique de la carbamazépine qui est intéressant, parce qu'il y a un certain gène qui était associé, le HLA-B*1502, dont les patients qui sont porteurs de ce gène-là semblent plus à risque à développer ces réactions cutanées graves. Ce gène-là est plutôt présent dans les populations asiatiques. Une chance que je ne sois pas épileptique. Il y aurait d'autres options. Non, il y aurait d'autres options. C'est pas ça qui manque. C'est intéressant à savoir. Ce n'est pas un dépistage génétique qui est facile et accessible présentement au Québec, ce qui serait super intéressant, parce que dans la littérature, on voit que les patients qui ont ce gène-là sont plus à risque de faire la réaction. Donc justement, présentement, quand on n'a pas accès à ce génotypage-là, souvent on va aller vers d'autres alternatives de traitement. Donc c'est à garder en tête. Est-ce que c'est quand même un vieux médicament? Est-ce que c'est vraiment une première ligne de traitement tout comme les autres? Ou c'est plus en deuxième ligne si un autre fonctionne moins? Ça peut être utilisé autant en monothérapie qu'en traitement adjuvant ou en deuxième ligne. Un autre qu'on voit beaucoup, l'acide valproïque. Oui, exact. L'acide valproïque, lui aussi, il est utilisé dans les différents types d'épilepsies focales et généralisées. Lui, il est plutôt pris deux à trois fois par jour. Et au niveau des formulations qui sont disponibles, on a des capsules qu'on utilise peut-être un petit peu moins en pédiatrie parce qu'on ne peut pas les couper, les écraser. C'est vraiment des petites gélules solides. Mais on a quand même une solution orale commerciale et les comprimés de longue action de divalproex. Ils sont disponibles au Canada. Au niveau des interactions, l'acide valproïque a quand même plusieurs interactions mais qui ne passent pas par nos fameux cytochromes. Ça va être plutôt par un autre mécanisme de glucuronidation et de bêta-oxydation. Ce n'est pas tout à fait le même mécanisme, mais à noter qu'il a quand même plusieurs interactions. Au niveau de son profil d'effets indésirables, ce qu'on va voir beaucoup avec celui-là qui est particulier, c'est l'augmentation de l'appétit et de la prise de poids. C'est noté avec l'acide valproïque. D'autres choses qu'on voit peut-être un petit peu moins souvent, c'est des thrombocytopénies. Quand on fait des prises de sang, on voit un taux de plaquettes qui est diminué. On va le voir un peu plus souvent en milieu hospitalier, quand les patients viennent pour autre chose. Ça va être souvent des patients qui vont avoir pris l'acide valproïque longtemps à des doses plus élevées. On va pouvoir dénoter ça. C'est aussi un médicament qui a un profil de tératogénicité. C'est un médicament qui ne sera peut-être pas notre premier choix de traitement chez nos patients, par exemple, adolescentes de sexe féminin. Finalement, un effet secondaire qui est encore une fois rare mais important de mentionner, c'est l'hépatotoxicité qui est rapportée avec l'acide valproïque. C'est quelque chose qui va, dans les différentes références, être mentionné d'éviter d'utiliser ce choix-là chez nos enfants de moins de deux ans. Parce que dans les données, dans la littérature, ça semblait être un effet secondaire rare, mais qui surviendrait beaucoup chez les jeunes enfants, même en bas de six ans. Et qui pourrait être plus à risque aussi chez les patients qui ont des maladies mitochondriales concomitantes. Des fois, il peut y avoir certains syndromes génétiques qui viennent justement avec des maladies mitochondriales et une certaine forme d'épilepsie. C'est juste à prendre en compte aussi quand on a notre diagnostic clair. Ça pourrait être un agent qu'on voudrait éviter chez ces patients-là. De toute façon, cette toxicité au foie, on la suit avec des prises de sang. Exactement. On est capable de voir si ça s'installe ou quoi que ce soit. Exactement. Je passerais maintenant au vigabatrin. Oui. Le vigabatrin, c'est un médicament, peut-être qu'on ne voit pas si souvent que ça, mais dont on voulait parler parce que on le voit quand même en pédiatrie. Et c'est un médicament vraiment de choix pour nos spasmes infantiles, qu'on va utiliser vraiment pour cette indication-là, qui est intéressant parce qu'il est donné deux fois par jour. Et dans ses formulations, c'est des comprimés ou des sachets. En fait, en pédiatrie, on va utiliser beaucoup les sachets. On va prendre un sachet qu'on va diluer dans un certain volume d'eau et après, ça va nous permettre quand même d'individualiser notre dose parce qu'après, si je dilue 500 mg dans 10 ml d'eau, mais après, avec un petit calcul de règle de 3, je peux aller choisir un peu la dose que je veux par rapport à ça. Ça nous permet quand même d'avoir des doses selon le poids du patient. C'est super bien de pouvoir adapter la dose. Je t'interromps ici ; C'est quoi exactement un spasme infantile? C'est un type particulier d'épilepsie qui arrive chez le bébé. Donc seulement entre l'âge de 3 et 8 mois. Et classiquement, c'est des enfants qui, surtout dans les périodes de somnolence, mettons au réveil, commencent à faire des sursauts, souvent plus en flexion, parfois en extension. Ils peuvent en faire en série sur des périodes de 5 à 10 minutes. Puis en même temps, l'enfant devient un peu irritable. Des fois, il peut régresser au niveau des acquis qu'il a fait. C'est important de savoir ce que c'est pour pouvoir le reconnaître. Ce n'est pas des reflux, ce n'est pas des coliques. C'est un type d'épilepsie qui est vraiment particulier, qui fait des crises complètement différentes, des crises plus classiques ou traditionnelles. Pour nous, c'est comme une urgence relative. Ce n'est pas une affaire qui doit être vue dans la minute, mais dans le jour même ou le jour d'après on les voit en clinique, on fait un électroencéphalogramme. Dans la grande majorité des cas, on voit une signature spécifique à l'EEG. Ça nous permet de confirmer notre impression clinique, puis on commence rapidement le vigabatrin, qui est notre premier choix. Il y a d'autres médicaments si ça ne fonctionne pas, mais ça n'est peut-être pas dans le cadre de ce podcast. C'est ça, les spasmes épileptiques. C'est comme dans la catégorie des épilepsies généralisées? Il n'y a pas de grosse différence... Ils ne « fittent » pas dans la même catégorie ? Oui, c'est parce que tu as des spasmes où tu vois si c'est généralisé à l'EEG, d'autres tu as des hémispasmes, tu as une variation sur un thème. Les causes sont variables, c'est tout ce qui touche le cerveau de près ou de loin. Ça peut être un enfant qui a fait une anoxie, ça peut être un enfant qui a une sclérose tubéreuse, ça peut être X, Y, Z. Des fois, certains patients, on n'a pas de cause spécifique, ce qui n'est pas une mauvaise nouvelle nécessairement, parce que des fois, le pronostic peut être meilleur dans cette sous-catégorie d'enfants. Mais, oui, c'est important de le reconnaître et merci d'avoir posé la question. Merci, fermons la parenthèse. C'était très bien, merci. Donc, il y a plusieurs formulations pour le vigabatrin, ligne numéro 1 pour les spasmes infantiles. Est-ce que c'est bien toléré, ce médicament? Exactement, c'est un médicament qui est intéressant parce qu'il est bien toléré en général avec un peu le même profil à court terme que nos autres agents. Son effet secondaire peut être un peu plus particulier, qui est encore une fois rare, mais c'est des troubles ophtalmiques de différentes natures qui sont rapportés dans la littérature qui semblent beaucoup associés à la durée de traitement. Donc, plus le médicament est pris longtemps, plus il y a un effet secondaire qui semblait se manifester dans les données. C'est un effet secondaire qui pourrait ne pas être réversible à l'arrêt du médicament. Dans la monographie du produit, il y a vraiment un suivi ophtalmique clair de rapporté, mais qui peut être parfois difficile à faire en pédiatrie. C'est pour ça que souvent, on va essayer d'utiliser la plus petite dose possible et la plus courte durée de traitement pour éviter ce risque de toxicité au niveau des yeux. On va terminer avec un dernier médicament parce qu'on n'aura pas le temps de tous les passer. Ce serait le lacosamide. Le lacosamide aussi, c'est un médicament qu'on utilise de plus en plus, qui est peut-être encore un peu méconnu. C'est un médicament qui, selon les monographies, peut être utilisé autant en monothérapie qu'en traitement adjuvant pour des crises focales et plutôt en traitement adjuvant dans les crises généralisées tonico-cloniques. À noter, par contre, qu'au Québec, ce n'est pas un médicament qui est sur la liste RAMQ. En fait, c'est un médicament d'exception qui est indiqué vraiment plus dans les cas d'épilepsie réfractaire. C'est un traitement d'appoint d'épilepsie focale lorsque deux autres médicaments ont été utilisés à la bonne dose pendant une durée. C'est son statut de médicament d'exception. Il faut que le patient ait essayé deux autres agents afin d'envisager le début du lacosamide. C'est un médicament qui se donne deux fois par jour et qui est disponible seulement en comprimé.