mg par kilo - balado

Épisode 6 | Prévention du VIH chez le nouveau-né

Émilie Roy-St-Pierre Episode 6

Avec Dre Fatima Kakkar, pédiatre-infectiologue, et Marie-Élaine Métras, pharmacienne, nous allons:  

  • rappeler les notions de base sur le VIH et souligner des enjeux sociaux importants;
  • discuter des différents schémas thérapeutiques d’antirétroviraux pour prévenir la transmission mère-enfant du VIH;
  • distinguer les recommandations sur l’allaitement chez les mères vivant avec le VIH et les traitements préventifs recommandés chez le nourrisson.

Références:

Les invité(e)s et l'animatrice ne déclarent aucun conflit d'intérêt.

Captation et montage: Philippe Lacroix, spécialiste en audiovisuel
Idée originale, réalisation et animation: Émilie Roy-St-Pierre
Conseillères en communication: Katrine Louis-Seize et Pascale Chatagnier
Logo: Équipe des communications et du graphisme du CHU Sainte-Justine
Musique: Samuel Ross
Collègues, ami(e)s et famille, merci pour votre précieux soutien.

© mgparkilo 2025

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En collaboration avec le CHU Sainte-Justine, membre du Réseau mère-enfant de la francophonie.

Bienvenue à Milligrammes par kilo, un balado qui parle de médicaments en pédiatrie. L'information contenue dans ce balado ne remplace pas le jugement professionnel. Il s'agit d'un survol de divers sujets pour les professionnels de la santé ou pour toute personne intéressée. Bonne écoute! Salut tout le monde! Je m'appelle Émilie Roy-St-Pierre, pharmacienne en pédiatrie générale et votre animatrice du balado Milligrammes par kilo. Le sujet du jour, la prévention de la transmission mère-enfant du VIH chez le nouveau-né, donc le VIH qui est le virus de l'immunodéficience humaine. J'ai la chance d'avoir deux invités avec moi aujourd'hui et je vais les laisser se présenter. Bonjour Émilie, moi c'est Fatima Kakkar, je suis pédiatre infectiologue ici au CHU Sainte-Justine et le VIH pédiatrique c'est vraiment mon domaine de sous-expertise. Bonjour Émilie, moi c'est Marie-Hélène Métras, je suis pharmacienne au CHU Sainte-Justine depuis 2012. Je suis aussi professeure adjointe de clinique à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal. Excellent, merci à vous deux d'être ici, je sais que votre temps est très précieux, donc je me trouve très chanceuse de vous avoir ce midi. Donc, pour rappel, le VIH de type 1 a été découvert, si je ne me trompe pas, pour la première fois vers 1983. Puis là, l'arsenal de traitement et ce qu'on sait sur le VIH a colossalement évolué depuis. Puis, côté médicaments, on retrouve encore quand même de « vieilles molécules » chez certaines populations comme celles qu'on traite ici à l'Hôpital Sainte-Justine. Donc, Dre Kakkar, je te laisse nous introduire à comment vivre avec le VIH changé, puis quelles sont les notions de base à retenir sur ce sujet? Merci, Émilie, merci d'avoir fait ce podcast maintenant, parce que je trouve qu'il y a tellement de choses qui ont changé dans le domaine. C'est bien de faire un portrait du VIH en 2024. Mais pour faire ça, on va reculer en arrière dans les années 80. Et c'est là que le VIH a été découvert, mais c'est vraiment le sida qui a été découvert. Et comment ça a été découvert, c'est qu'il y avait des hommes, surtout dans la population des hommes qui avaient des relations avec hommes, qui mouraient avec des déficits immunitaires très avancés. Les gens ne savaient pas ce qui arrivait, mais il y avait vraiment des éclosions en Californie, à New York. Et au fur et à mesure de l'étude, ils ont découvert que c'était causé par un virus. Mais finalement, on a su aussi que ce virus était transmis dans la population. Il y avait certaines populations, comme les gens qui avaient de l'hémophilie, qui étaient aussi infectés par ce virus. Donc, en 1983, on a commencé à voir ça et on a finalement documenté que c'était le virus, le VIH. Mais on n'avait pas de traitement. Donc, pendant toutes les années 80, on avait beaucoup de gens infectés. On pouvait juste (les) voir mourir. J'imagine qu'on ne savait pas non plus comment ça se transmettait. C'est ça. Ça me fait super peur. Ça fait peur. C'est un peu comme la COVID au tout début. Et les gens avaient peur, ils avaient honte quand ils avaient le diagnostic. Il y avait un énorme stigma associé. Et même pour les enfants. Donc, à l'époque, au début, on pensait que c'était juste les adultes, les hommes. Mais ici, à Sainte-Justine, on avait des bébés avec des déficits immunitaires. Ils mouraient. Et on n'arrivait pas à trouver la cause spécifique. Donc, au fur et à mesure, on avait un immunologue, Dr Lapointe, qui soignait ces bébés. Et il voyait en même temps les mères mourir tout de suite après. Donc, il a découvert ce lien entre la transmission de la mère et l'enfant. Et on a appris que ça pouvait se transmettre du parent à l'enfant. Donc, c'est des bonnes choses, les connaissances. Mais encore, on n'avait pas de traitement. Donc, les années 80, c'était juste des enfants qui mouraient du sida. On avait une unité ici, à Sainte-Justine, au fond, où il y avait juste des enfants avec le sida en phase très avancée. Avec des gens tellement dévoués qui travaillaient sur cette unité. Imaginez qu'on ne savait pas les modes de transmission. On n'avait pas de traitement. Mais vraiment, c'est des gens incroyables qui s'occupaient de ces enfants. Donc, ça, c'était les années 80. Et tranquillement, comme ça se passe dans tous les domaines, il y avait des avancées dans le développement des traitements. Donc, on avait notre première molécule, qui était le gros miracle, la zidovudine, qui était une molécule contre le VIH, qui était étudiée, et on avait commencé à l'utiliser chez les adultes à la fin des années 80. Mais il n'y avait rien pour les enfants. Donc, on a juste réussi à le faire sur protocole de recherche. Donc, c'était en décembre, en fait, le 24 décembre 1994. C'était le premier enfant à Sainte-Justine qui a réussi à avoir accès à la zidovudine. C'est le gros cadeau de Noël. Et quand on a commencé à avoir accès au traitement, ça a changé la vie des enfants. C'est une histoire incroyable ici. Et on a même des photos de l'époque, parce que c'était tellement émouvant. Mais vraiment, c'était Noël 1994, où le premier enfant a réussi à avoir son traitement. C'est vraiment une belle histoire, une très belle introduction en fait. Merci beaucoup pour ce partage. Puis, c'est quoi les notions de base que tu aimerais qu'on retienne avant qu'on poursuive dans l'épisode? Merci de la poser. Donc, première chose, c'est que le VIH n'est pas le sida. On peut vivre avec le VIH. Et ce que je dis à tout le monde maintenant qui a une nouvelle infection, c'est une maladie. C'est une maladie chronique. Et les gens qui vivent avec le VIH pourront avoir une vie complètement normale. C'est juste qu'il faut prendre un médicament en ce moment, tous les jours, ou un autre traitement. Mais quand on traite, et qu'on traite le virus qui n'est plus détectable dans le sang, on ne peut plus le transmettre. Donc, les gens qui ont le VIH ne sont pas contagieux, à personne. Ils peuvent avoir des enfants. Ils peuvent avoir des familles. Ils peuvent grandir (de façon) entièrement normale. Donc, je veux créer ce portrait de ce qu'est le VIH en 2024, parce qu'il reste encore un énorme stigma associé. C'est que vivre avec le VIH, pour moi, c'est comme vivre avec le diabète. C'est comme vivre avec une maladie chronique où il faut s'occuper tout le temps, prendre des médicaments, se surveiller. Mais c'est une maladie chronique qui n'empêche pas d'avoir une vie normale. Tout à fait. Ça me fait penser, justement, quand tu disais que, dans le fond, c'est indétectable, c'est intransmissible. Donc, ça peut aider les gens à accepter un peu leur maladie et essayer de vivre une vie normale, si on peut dire. Et un peu dédramatiser. Dédramatiser, oui. Oui, tout à fait. Puis, c'est quoi les paramètres qu'on suit chez les personnes, faisons un gros résumé, quand on fait une prise de sang, qu'est-ce qu'on regarde dans le sang chez ces personnes? Très bonne question, et je le pose aux jeunes tout le temps, parce que j'essaie de comprendre ce qu'ils ont compris. (Rires) Parce qu'effectivement, on fait des prélèvements régulièrement. Donc, juste pour rendre ça simple, c'est qu'on peut mesurer la quantité du virus dans le sang. Donc, quand on donne un traitement, une trithérapie, ça agit pour que le virus ne puisse pas se répliquer. Donc, éventuellement, on va dire qu'on ne peut plus mesurer le virus dans le sang. Si on ne prend pas le traitement, on va pouvoir voir combien de copies de virus. Ça peut être 10 000, ça peut être un million. Et quand on prend bien le traitement, on voit qu'on ne voit aucune copie du virus dans le sang. Donc, ça, c'est notre mesure la plus importante. C'est vraiment de voir si la personne a bien pris son traitement, que le virus, on ne le détecte plus dans le sang. Et l'autre élément, c'est qu'on mesure le système immunitaire. On veut voir, effectivement, que quand le virus est indétectable, il ne peut pas agir sur les CD4 de la personne qui la protège contre plusieurs infections. Donc, on mesure ces taux de CD4 et CD8 pour vraiment vérifier son système immunitaire. Donc, c'est les deux paramètres les plus importants. Et après, on vérifie que le médicament n'est pas toxique, que les reins, le coeur, tout le reste fonctionne. Mais je dirais que c'est la charge virale qui est l'élément le plus important. S'il est indétectable, la personne ne va pas transmettre le virus. Il ne va pas avoir d'effets sur son CD4. Donc, c'est le paramètre le plus important. OK. Excellent. Donc, ça me fait juste penser, avant de passer au traitement, c'est quoi environ la prévalence de la transmission verticale, donc la transmission mère-enfant du VIH dans le monde? Est-ce que c'est… C'est quoi, pour avoir une idée du pourcentage? Donc, je peux vous dire, l'année dernière, il y a eu à peu près 120 000 nouvelles infections. Dans le monde? Dans le monde. OK. Si on ne donne aucun traitement, si une femme enceinte, elle a le VIH et elle n'a pas accès au traitement, ce qui est quand même le cas encore dans certains pays, 40-50 % des femmes n'ont pas accès à ce traitement, il y a à peu près un 10 % qu'elle va le transmettre pendant la grossesse, un autre 10 % juste pendant l'accouchement et un autre 10 % pendant la période d'allaitement. Donc, c'est à peu près un sur trois des enfants qui vont devenir infectés. C'est quand même beaucoup. Sans traitement. Sans traitement. Depuis qu'on a notre arsenal thérapeutique, ça tourne autour de quoi? C'est vraiment moins de 1 %. On est rendu à des taux, on va dire, selon les chiffres, à 0,2 %. Mais honnêtement, si une femme, elle a toujours une charge virale indétectable, elle est impeccable avec sa prise de médicaments et on donne un traitement de prévention chez le bébé, il ne devrait pas avoir de transmission. C'est incroyable. On ne peut pas dire 0, mais on est quasiment rendu à 0. C'est incroyable la médecine et les avancées. C'est fou. Excellent. Donc, Marie-Hélène, comme pharmacienne, est-ce que tu veux me parler un peu des ARV, des antirétroviraux, un peu décortiquer la pharmacothérapie pour prévenir la transmission chez les bébés? Oui. Bien, tout d'abord, il faut savoir que ça a quand même évolué depuis justement la zidovudine que le Dr Cancor parlait en 1994. La zidovudine fait encore partie de notre arsenal thérapeutique, mais il y a d'autres molécules qui se sont ajoutées et un peu d'autres façons de prise en charge aussi qui ont été déterminées. En fait, ce qui arrive chez les bébés maintenant, c'est qu'on va les catégoriser dans un risque où est-ce qu'on va leur donner une monothérapie versus une trithérapie. Si les bébés sont sous monothérapie, ce que ça veut dire, en fait, c'est vraiment une prophylaxie. À ce moment-là, déjà, son risque de transmission est assez faible, mais on va quand même vouloir faire une prophylaxie avec un antirétroviral par-dessus ça. Ça fait que souvent, c'est une monothérapie et c'est encore une fois la zidovudine qui va être utilisée à ce moment-là. Notre AZD. Notre AZD, exactement. Sinon, les enfants qui sont dans une catégorie de risque un peu plus élevé de transmission, on peut dire, c'est des enfants qui vont avoir une trithérapie. En fait, on fait référence, on appelle ça une thérapie préemptive. Le but de ça, dans le fond, c'est d'agir comme prophylaxie pour l'acquisition chez le nouveau-né exposé au VIH durant l'accouchement ou durant l'allaitement, on pourra en reparler après. Mais l'autre chose aussi, c'est que les ARV qu'on va utiliser, il va y en avoir trois, c'est ce qu'on appelle la trithérapie, mais ils vont être utilisés à dose de traitement parce que comme il est à risque un peu plus élevé de transmission, ce qu'on veut prévenir aussi, c'est si jamais il devenait infecté, qu'on ait déjà des traitements qui sont efficaces à ce moment-là pour traiter le VIH chez cet enfant-là. Ce qui a été démontré, c'est que dans le fond, un traitement efficace qui est débuté rapidement chez le nourrisson, ça pourrait contribuer à restreindre la taille du réservoir du virus. Quand tu dis rapidement, on est en termes d'heures. On parle d'heures, effectivement. Les recommandations, c'est qu'en fait, on devrait commencer à donner la première dose de médicament à l'intérieur de six heures suivant la naissance du bébé. Il faut l'avoir en fait sur place, les médicaments. Il faut avoir des protocoles qui sont mis en place, il faut avoir les médicaments disponibles aussi pour être capable d'en donner rapidement. C'est super intéressant, merci. Donc, thérapie préemptive, on traite dans le doute, puis on met nos trois médicaments quand on a une plus haute suspicion. Exact. Parfait. Puis, justement, c'est quoi les critères pour cette thérapie présomptive-là, Marie-Hélène? En fait, souvent, ça va être justement, on parlait de charge virale tout à l'heure. En fait, si la mère a une charge virale qui est détectable dans son sang, donc à ce moment-là, un risque de transmission un peu plus élevé, donc ça, ça va être un critère. Une mère qui n'aurait pas reçu un traitement antirétroviral adéquat durant les quatre dernières semaines de sa grossesse. Si le statut VIH de la mère est inconnu et qu'on pense qu'il y aurait certains facteurs de risque, ça peut faire partie de ça aussi. Puis, un autre critère qui va faire en sorte qu'on va vouloir utiliser une trithérapie, c'est en présence d'allaitement maternel. Ok, parfait. Puis, mettons le facteur de risque, j'imagine, je pense, spontanément, par exemple, si la personne vient d'un pays où le VIH est endémique, j'imagine. Exactement. L'utilisateur de drogues intraveineuses, par exemple, ça peut en faire partie. Ok, c'est bon. Puis, qu'est-ce qui est disponible comme option pharmacologique pour nos bébés? Oui, à ce moment-là, c'est sûr qu'il faut regarder les options qui sont adaptées pour nos bébés. Idéalement, il faut que ce soit des médicaments qui sont disponibles sous forme liquide. Donc, la trithérapie classique va être constituée de zidovudine et lamivudine, qui sont deux vieilles molécules, mais commercialisées sous forme liquide. Puis, on va associer ça à soit de la névirapine ou du raltégravir. Classiquement, c'est la névirapine qui est utilisée comme troisième médicament, mais il peut arriver que, dans le fond, la mère présente un virus qui est résistant à la névirapine, puis à ce moment-là, on va vouloir la remplacer par du raltégravir. Ces deux médicaments-là, la névirapine et le raltégravir, ne sont pas commercialisés au Canada sous des formes adaptées, donc ils ne sont pas disponibles en liquide, mais il y a moyen de faire des démarches pour y avoir accès aussi. Ce qui arrive, c'est qu'il existe d'autres médicaments liquides qui sont disponibles au Canada, le Kaletra, entre autres, mais le Kaletra n'est pas très indiqué chez les nouveaux-nés parce que ça contient un haut pourcentage d'alcool, c'est associé à une toxicité mitochondriale, puis ça a un mauvais goût aussi, qui fait que les bébés ne le tolèrent pas et que c'est une bataille avec les parents pour essayer d'administrer le médicament à chaque fois. C'est quand même un enjeu, l'administration des médicaments, puis oui, effectivement, le Kaletra qui est le lopinavir / ritonavir, parfait. Et honnêtement, je vais dire, c'est un travail assez héroïque de la part de Marie-Hélène et toutes nos pharmaciennes, parce qu'au fur des années, même, avec les nouveaux traitements, je me souviens du premier cas de raltégravir, c'est parce qu'il n'y avait pas de dose. Personne n'utilisait ces médicaments chez les nouveaux-nés et on en avait besoin en urgence. Donc, vraiment, avec l'équipe de pharmacie, Marie-Hélène, ils font les recherches, ils trouvent des doses, on pousse l' « enveloppe » et ça prend des appels en pleine nuit, rappels au gouvernement, des formulaires. C'est vraiment un gros travail pour avoir accès à ces médicaments. C'est pas qu'on peut juste les prescrire et c'est facile. Ça prend énormément de gestion. Je vous remercie, l'équipe de pharmacie, pour ce travail en pleine nuit. Mais tu as tout à fait raison. En fait, ce n'est même pas juste une question d'accessibilité, c'est aussi que c'est des médicaments qui ne sont souvent pas étudiés chez ces populations-là. Donc, c'est d'essayer de trouver des petits rapports de cas puis réfléchir aux doses qu'on peut utiliser dans ce temps-là. Je pense qu'il y a aussi l'abacavir, qui est en liquide, mais lui non plus... Celui-là, il est effectivement aussi commercialisé au Canada, on a des doses pédiatriques, mais en fait, l'abacavir est associée à un effet secondaire. Ça peut faire des réactions d'hypersensibilité avec des éruptions cutanées assez importantes. Ça a été décrit chez certains patients qui sont porteurs d'un allèle un peu plus spécifique. Chez les enfants qui l'utilisent en traitement, on va s'assurer que cette allèle-là n'est pas disponible, mais ça prend quelques semaines de faire ce test-là puis d'avoir le résultat. C'est trop tard, en fait, chez nos bébés. Là, il [le traitement] serait terminé à ce moment-là. Je comprends bien. Puis c'est quoi les effets secondaires à suivre de nos médicaments? Il faut savoir, en fait, que tout d'abord, dire que c'est des traitements qui sont de courte durée. C'est des traitements qui sont généralement assez bien tolérés. Ce qu'on va suivre, souvent avec la zidovidine, il peut avoir un peu d'anémie associée. Donc, tu sais, c'est des bébés, quand ils viennent à la clinique, on suit au niveau des prises de sang, s'assurer que c'est sécuritaire. Mais maintenant, avec les durées de traitement qui sont raccourcies aussi, on voit moins cet effet secondaire-là aussi. Mais avec la névirapine, il peut avoir un petit peu de toxicité hépatique aussi. Donc, on suit le bilan hépatique. Donc, c'est dans la prise de sang également. Exactement. Parfait. Puis là, c'est quand tu me dis, les durées de traitement sont plus courtes. Tu parles en termes d'années, mois, semaines? On se trouve où? Donc ce sont des traitements dont on parle en termes de semaines. Les durées de traitement vont varier, en fait, à savoir est-ce qu'on est en monothérapie versus en thérapie préemptive. Fait qu'en monothérapie, donc pour rappel, avec juste la zidovudine à ce moment-là, bien les durées de traitement sont de 2 à 4 semaines. Donc les lignes directrices varient un peu d'un endroit à l'autre. Puis selon le cas du patient, la durée peut varier. Mais retenir que ça risque d'être un maximum de 4 semaines. Donc c'est de courte durée. La thérapie préemptive à ce moment-là, avec la trithérapie, on va vouloir faire un 6 semaines total de traitement. Bon, bien ça donne quand même une idée, au moins 6 semaines. Puis je pense que même il y a un des médicaments qu'on arrête après 4 semaines, vu qu'il a une longue demi-vie dans le corps, donc il reste longtemps, c'est la névirapine. Exactement. Fait que on est comme en trithérapie pendant un mois versus une bithérapie pour un 2 semaines supplémentaire. Mais qui, en fait, fait une trithérapie pendant 6 semaines. Puis c'est pour justement éviter d'être en monothérapie avec juste la névirapine. Excellent. Parfait. Tantôt, t'as mentionné qu'il y avait certains médicaments qui étaient moins accessibles facilement. Par exemple, la névirapine ou le raltégravir qui seraient accessibles via le Programme d'accès spécial. Exactement. C'est qu'on peut avoir accès à des médicaments qui ne sont pas commercialisés au Canada. Donc il y a des démarches administratives à faire auprès de Santé Canada pour y avoir accès. De la paperasse. De la paperasse à remplir. Exactement. Mais il faut savoir aussi, au niveau de la couverture, les autres médicaments qui sont commercialisés au Canada sont habituellement sur la liste régulière de la RAMQ, donc remboursés par les assurances. Mais c'est sûr qu'on fait aussi affaire à une clientèle de nouveaux arrivants, des réfugiés parfois, qui n'ont pas nécessairement une couverture d'assurance à leur arrivée. Mais on veut s'assurer que ces bébés-là puissent quand même avoir accès à leurs médicaments. C'est quelque chose qui est quand même assez crucial. Donc il faut s'assurer de faire un suivi auprès de ces familles-là pour, à la limite, dépanner ou trouver une façon de servir leurs médicaments pour qu'ils puissent y avoir accès le temps que les questions d'assurance soient réglées. C'est ça. Puis avant que la RAMQ embarque justement pour les personnes réfugiées ou quoi que ce soit, il y a le PFSI, le Programme fédéral de santé intérimaire. Oui. Qui fonctionne en fait pour les mamans souvent, qui eux vont couvrir leurs médicaments. Mais en fait, le bébé qui naît au Canada va avoir à ce moment-là sa RAMQ. Mais le temps qu'il la reçoive, il y a toujours une petite période. C'est-à-dire que c'est là que le PFSI peut couvrir cet intervalle-là? En fait, comme il est citoyen canadien à ce moment-là, ça ne va pas couvrir. Ça fait qu'il tombe un peu dans un trou où est-ce que l'accès aux médicaments est un peu plus compliqué. Je comprends. Parfait. Excellent. Donc là, disons, la maman est arrivée ici. Là, elle a accouché de son bébé justement au Canada. Elle exprime le désir d'allaiter. Donc comment tu approches ça avec ces patientes-là, Fatima? C'est une question très actuelle parce que justement, avant les traitements, il y avait un 10 % de risque de transmission pendant la période d'allaitement. Mais ailleurs dans le monde, l'allaitement est préconisé pour, en fait, tous les pays en voie de développement, parce que l'accès au lait maternisé est difficile. Donc il y a plus de risque de mortalité, de morbidité de prescrire le lait maternisé que de prescrire l'allaitement. Donc partout dans le monde, dans les pays endémiques, l'OMS recommande l'allaitement exclusif pour les femmes vivant avec le VIH. Mais ce n'est pas que ce n'est pas sans risque. C'est juste que le risque, il est moindre que de mourir d'une infection ou de la malnutrition. Donc l'OMS a jugé que le risque du VIH, bien qu'il est faible, donc on estime peut-être entre 2 à 3 sur 2000 cas. Donc c'est très petit, c'est moins de 1% de risque, mais ce n'est pas zéro. Mais l'OMS a jugé que ce risque est nettement moindre que le risque de mourir d'une gastro-entérite par une formule de lait mal mélangée. Donc c'est pour ça que la pratique est différente ici en Amérique du Nord qu'elle l'est ailleurs dans le monde. Et c'est sûr qu'un risque de 1%, moins de 1%, c'est très faible, mais ce n'est pas zéro. Et le problème, c'est qu'une fois qu'on a guéri l'infection, c'est une infection à vie. On n'a pas encore de guérison. Donc nous comme médecins, on veut vraiment avoir zéro risque. Donc c'est pour ça qu'on a justement travaillé avec le ministère de la Santé pour avoir un programme de lait gratuit. Parce que le lait pourrait être cher, donc on voulait justement être sûr qu'on avait un programme qui couvrait l'accès au lait maternisé gratuit pour tout nourrisson de mère qui a le VIH. Parce que justement, on veut le soutenir pendant cette année. Cela dit, si une femme souhaite vraiment allaiter et qu'on a bien expliqué les risques et que la famille a bien compris que ce n'est pas risque zéro, c'est un risque minimal, il faut vraiment avoir cette discussion. Et si malgré tout, elle veut vraiment allaiter, là il y a quand même des conditions qui nous permettraient de le faire en sécurité. La plus importante, c'est que la femme soit sur son traitement antirétroviral et qu'elle est indétectable. Pendant sa grossesse, mais aussi pendant toute la période d'allaitement. Il faut qu'elle ait eu une bonne adhésion à son traitement. Exactement, 100%. C'est pas évident, des fois, à la fin de la grossesse, en postpartum, les femmes sont fatiguées, il y a beaucoup de choses à régler. Donc, il faut vraiment qu'il y ait une adhérence à 100% avec une charge virale indétectable, qu'elle vienne régulièrement à des suivis médicaux où on peut mesurer la charge virale pour être sûr qu'elle est indétectable, et que le bébé soit mis sur un traitement de prévention. Donc comme Marie-Hélève le décrivait, la trithérapie pendant les 6 premières semaines, et après ça, un médicament, une monothérapie, pendant tout le reste de la période d'allaitement. Et des prises de sang et des visites médicales à tous les mois, pour justement être sûr qu'il n'est pas dans une phase où il est en train d'être infecté. Donc, c'est beaucoup plus lourd, c'est faisable, mais ce n'est pas notre première recommandation encore, parce qu'on n'est pas encore rendu au stade où je peux dire à une femme que si vous allaitez votre enfant avec un VIH, que l'enfant ne sera pas infecté. Je ne peux pas dire que c'est zéro risque. Le contexte est différent des pays à ressources plus limitées, où c'est vraiment allaitement exclusif, versus certains pays à ressources abondantes, où on a les programmes, par exemple, gratuits de lait. Les contextes sont complètement différents. Complètement. Exact. Je pense qu'il faut l'expliquer. C'est sûr que les gens ont beaucoup de pression pour allaiter. Mais on va dire, vous n'êtes pas une mauvaise mère si vous n'allaitez pas. Il y a différentes façons d'avoir un lien avec le nouveau-né. On veut juste le bien-être du bébé et de la maman aussi. Donc, il ne faut pas mettre trop cette pression, mais on comprend que si, ayant révisé tout, la femme veut vraiment allaiter, on va la supporter à travers son allaitement. J'imagine qu'il y a un support multidisciplinaire, parce que ça doit quand même être là, si elle allaite, au moins de façon psychologique, sociale, elle va pouvoir répondre à ce besoin-là. Mais, à contrario, si elle doit faire le deuil d'un allaitement, ça doit quand même être vraiment difficile sur le plan psychologique et émotionnel et tout. C'est souvent, en fait, le dévoilement à la famille qui est difficile. C'est de dire, d'expliquer pourquoi. Quelqu'un qui doit expliquer à quelqu'un d'autre pourquoi elle n'allaite pas. Donc, dans certaines communautés, ça soulève le coeur.« Pourquoi vous n'allaitez pas? Peut-être que c'est le VIH. » On revient encore au point de la stigmatisation. Exactement. Parce que dans la population générale, il y a beaucoup de gens qui n'allaitent pas. Ça n'a rien à voir avec le stigma, c'est un choix qui est tout à fait correct. Moi, comme pédiatre, je ne m'ostime pas pour que tout le monde soit... On veut le bien-être du parent, on veut le bien-être du bébé. Et on veut la méthode d'alimentation qui est vraiment meilleure pour les deux. Je voulais juste rebondir aussi sur la recommandation de l'OMS qui est vraiment de faire des allaitements exclusifs dans des pays à ressources plus limitées. Pourquoi pas l'allaitement mixte? Alors ça, dans les vieilles études, ça augmentait le risque d'inflammation digestive. Et dans les cellules digestives, on a des cellules lymphoïdes où le virus pourrait bien s'intégrer. Donc, ça augmente le risque de transmission. Si l'enfant est exposé et il y a de l'inflammation, ça augmente la possibilité qu'il soit infecté. C'est super intéressant parce que, vite comme ça, intuitivement, tu te dis « Oh mon dieu, mais allaitement exclusif, c'est ça qui est recommandé » versus mixte. Mais ok, c'est très intéressant. Ça fait partie des critères pour nos mamans qui choisissent d'allaiter à ce moment-là. Ça doit être un allaitement strict. C'est ça. C'est quasiment moins compliqué pour elles aussi. Elle garde toute sa stimulation lactée et tout. Tout à fait. Ok. Parfait. Là, on a parlé trithérapie, monothérapie. Veux-tu juste nous rappeler c'est quoi qu'on donne? Chez ces bébés-là, en fait, ils vont être à ce moment-là dans la catégorie trithérapie. Comme Dr Kakkar mentionnait, les 6 premières semaines avec la trithérapie, lamivudine, zidovudine, névirapine. Puis après ça, on va garder la névirapine seule pendant toute la durée de l'allaitement jusqu'à un mois suivant l'arrêt de l'allaitement. C'est quoi environ les doses? Je sais que c'est un peu plus ambigu pour certains. Donc, pour les doses, en fait, pour les 6 premières semaines, c'est les doses qu'on va utiliser de prévention de transmission. Pour la névirapine, à ce moment-là, c'est des doses qui sont recommandées en mg/kg qu'on retrouve le plus dans les lignes directrices. Un 6 mg/kg dose BID. Puis après ça, quand on fait le relais avec la névirapine seule, ça va être la même dose de traitement que ce qu'on utiliserait chez un enfant infecté. Donc, un 200 mg/m² de dose qu'on utilise 2 fois par jour. Parfait. Excellent. Ça me fait penser justement, souvent nos doses sont en fonction du poids, de la taille du bébé, mais ça amène justement des augmentations de doses qui suivent proportionnellement le gain de poids du bébé. Les parents, ils ont souvent aux rendez-vous médicaux à ajuster les doses des traitements. Exactement. Ça fait un peu partie de notre rôle de pharmacien aussi, de s'assurer qu'à tous les rendez-vous, on adapte à la hausse en fonction de la prise pondérale. Super. C'est vraiment une belle équipe interdisciplinaire pour nos patients. Avant de conclure, est-ce que vous auriez un dernier mot que vous aimeriez que les auditeurs, les auditrices retiennent? Je pense qu'on a beaucoup parlé du VIH en 2024, mais je veux qu'ils retiennent qu'en 2024, c'est une maladie chronique. Et je veux qu'ils retiennent ça parce qu'on veut minimiser le stigma contre le VIH. Donc, je suis contente qu'on ait réussi à en parler, que les gens connaissent c'est quoi le VIH, c'est quoi les traitements, qu'ils gardent en tête que c'est une maladie avec laquelle on peut vivre normalement maintenant. Ça, c'est mon message clé. Tout à fait, d'accord. Je n'aurais pas pu dire mieux. Excellent. Donc, merci à vous deux, Dre Kakkar et Marie-Hélène, pour cette incursion dans cet univers d'infectiologie très spécifique. Donc, les références utiles vont être dans la description comme d'habitude. Et petit message classique, donc, merci pour votre écoute, abonnez-vous, n'hésitez pas à laisser une évaluation et surtout à partager. Donc, tourlou! On se voit au prochain épisode!