mg par kilo - balado

Épisode 4 | Soins palliatifs

Émilie Roy-St-Pierre Season 1 Episode 4

Avec Dr Marc-Antoine Marquis et Dre Gabrielle Brodeur-Saint-Jacques, pédiatres, et Audrey Stypulkowski, infirmière clinicienne, nous allons:  

  • définir l’approche globale des soins palliatifs en pédiatrie ;
  • identifier les similarités et différences avec les soins palliatifs adultes ;
  • discuter des particularités des médicaments utilisés dans un protocole d'urgence de détresse respiratoire.

Références utiles: 

Captation et montage: Philippe Lacroix, spécialiste en audiovisuel
Musique: Samuel Ross 
Logo: Équipe des communications et du graphisme du CHU Sainte-Justine 
Idée originale, réalisation et animation: Émilie Roy-St-Pierre 
Collègues, ami(e)s et famille, merci pour votre précieux soutien. 

En collaboration avec le CHU Sainte-Justine, membre du Réseau mère-enfant de la francophonie.  

© mgparkilo 2024 

 

 

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Bienvenue à Milligrammes par kilo, un balado qui parle de médicaments en pédiatrie. L'information contenue dans ce balado ne remplace pas le jugement professionnel. Il s'agit d'un survol de divers sujets pour les professionnels de la santé ou pour toute personne intéressée. Bonne écoute! Alors, bonjour tout le monde. Émilie Roy-St-Pierre, pharmacienne en pédiatrie générale. Aujourd'hui, je suis très excitée d'accueillir l'équipe Espoir, l'équipe de soins palliatifs du CHU Sainte-Justine, pour m'aider à démystifier un peu les soins palliatifs en pédiatrie. Donc, j'ai le plaisir d'accueillir Audrey, Gabrielle et Marc-Antoine, et je vais vous laisser vous présenter pour l'épisode. Donc moi, je suis Audrey Stupulkowski, je suis infirmière clinicienne en soins palliatifs pédiatriques, donc dans l'équipe Espoir du CHU Sainte-Justine. Moi, je suis Gabrielle Brodeur, je suis pédiatre dans l'équipe Espoir en soins palliatifs. Et moi, c'est Marc-Antoine Marquis, je suis un des médecins de l'équipe Espoir aussi, je suis directeur médical de l'équipe. Merci beaucoup d'être là aujourd'hui. Donc, Gabrielle, je commencerais avec toi, pour un peu définir c'est quoi les soins palliatifs en pédiatrie, puis un peu toute la philosophie qui gravite autour. Bien sûr, on sait que c'est nébuleux, les soins palliatifs en pédiatrie. Donc nous, vraiment, là, on va travailler avec différentes familles, différents patients, partout dans l'hôpital, autant en oncologie, en néonatalogie, aux soins intensifs en pédiatrie. Puis, on va vraiment vouloir mettre l'emphase sur la qualité de vie. Donc, il va y avoir vraiment des patients différents, avec des maladies différentes, souvent qui sont des maladies complexes, puis qu'on va suivre un peu tout le parcours de leur maladie. Puis, comme je disais, souvent, c'est des maladies complexes dont le parcours est incertain. Puis, on va vraiment vouloir mettre l'emphase sur le traitement de la souffrance, sur la qualité de vie, et sur tous les types de souffrances, qu'elles soient physiques, psychologiques, sociales ou spirituelles. Donc, on va vraiment vouloir accompagner autant l'enfant, mais sa famille aussi, dans ces souffrances-là, puis aussi soutenir les équipes de soins. Ça va être important. C'est vraiment une prise en charge globale, de ce que je comprends. Effectivement. Parfait. Puis, ici, l'Équipe Espoir, comment ça fonctionne exactement, Marc-Antoine? Oui, on parle de prise en charge globale, puis c'est une prise en charge interdisciplinaire ou interprofessionnelle, ce qui fait que, dans l'équipe même, on est plusieurs professionnels à travailler en collaboration. Donc, on a des médecins, des infirmières cliniciennes, une infirmière praticienne. En fait, on est trois médecins, deux infirmières cliniciennes, une infirmière praticienne qui travaillons ensemble. Et on travaille évidemment avec tous les autres professionnels de l'hôpital. À même notre petite équipe, on n'a pas d'ergothérapeute, de physiothérapeute, de travailleur social, par exemple, ou de pharmacien dédié à notre équipe. Ceci étant dit, partout dans l'hôpital, dans les départements auxquels on va, on collabore avec les gens qui sont directement là. Ce qui fait qu'on a la chance de travailler avec un peu tout le monde dans l'hôpital, avec les équipes primaires, avec les autres consultants. L'idée, c'est vraiment de laisser la primauté à l'équipe traitante, à l'équipe primaire, que le lien entre les familles et les intervenants principaux demeure. En fait, qu'on aide à entretenir ce lien-là, mais que nous, on rajoute une couche de soutien supplémentaire. Comme Gabrielle disait, on va un peu partout dans l'hôpital, puis on va même plus loin que ça. On s'occupe de nos partenaires dans le réseau. Ce n'est pas juste intra-Sainte-Justine, là. Exactement. Oui, c'est ça. On peut aider les gens qui vont à la maison. On aide les familles, justement, qui sont à la maison avec un enfant qui a une maladie grave. Puis on travaille en étroite collaboration avec les maisons de soins palliatifs aussi. Donc, ce n'est vraiment pas juste à Sainte-Justine, c'est à travers la province, littéralement. Pour les gens à l'externe, est-ce que vous allez dans leur milieu de vie? Parce que vous n'avez pas de clinique physique, est-ce que vous allez vraiment chez eux pour faire des suivis? Oui, exactement. On ne fait pas venir des familles à l'hôpital pour nous voir. On ne leur prévoit pas de rendez-vous avec nous spécifiquement. On essaie toujours de se jumeler à un rendez-vous qui existe déjà. Par exemple, un adolescent qui a un diagnostic de cancer qui vient voir son oncologue à la clinique d'oncologie, on va soit se joindre à la rencontre avec l'oncologue, soit voir cet adolescent-là et ses parents avant ou après. Donc, la même journée. On veut vraiment que l'expérience du patient et de sa famille soit la meilleure possible. On juge qu'avoir à se déplacer le moins possible dans l'hôpital, ça aide cette expérience-là. Totalement, c'est très humain. Audrey, est-ce que tu pourrais continuer un peu sur cette lancée-là de la logistique un peu externe, interne? Oui, et pour compléter cette philosophie-là, l'intérêt aussi d'aller à la rencontre de nos patients lors de leur rendez-vous à Sainte-Justine, c'est aussi de créer ce lien qui est tout important aussi pour nous. Ce lien-là qu'on fait à mesure du temps, de confiance, apprendre à les connaître aussi pour qu'on puisse être au cœur des familles, au cœur du patient et en fait répondre à leurs besoins le plus possible. On est aussi ce lien, comme on disait, avec l'extérieur, principalement les CLSC. C'est sûr que quand on envoie un patient à la maison avec des traitements un peu plus importants, une surveillance un peu plus importante, mais qu'on veut le garder dans sa sphère un petit peu familiale, on va se mettre en lien avec les CLSC et puis là on est référent aussi par rapport à ces CLSC-là. On ne se le cache pas, les équipes de soins palliatifs adultes, on le verra tout à l'heure la différence, sont moins habituées à voir nos petits formats, même si des fois nos ados ressemblent de plus en plus à des adultes. C'est toujours plus difficile pour eux, que ce soit émotionnellement parlant ou même dans la prise en charge, on le verra, pharmacologique. Donc on fait ce lien-là et on est référent pour eux, que ce soit dans l'approche pharmacologique ou non pharmacologique. On est aussi donc en lien avec Marie-Enfant, où on va beaucoup… Oui, le centre de réadaptation. Exactement, mais plus dans la section hébergement. Ah, ok. Effectivement, et puis des maisons de soins palliatifs comme, effectivement, le Phare, qu'on a à Montréal. Pour vrai, je trouve ça tellement beau ce que vous faites. C'est tellement individualisé pour les familles. Chaque famille doit avoir une expérience différente, mais tellement belle avec vous. Donc, je suis vraiment contente que le service que vous offrez existe. C'est vraiment gentil, Émilie. En fait, tu vois, ça fait partie de notre philosophie. On n'a pas le monopole de la qualité de vie, on n'a pas le monopole du travail interdisciplinaire, mais c'est clairement au centre de ce qu'on veut faire. C'est vraiment une belle philosophie. Tu as mentionné tantôt un exemple avec un patient qui a le cancer. Est-ce que la majorité de vos patients sont souvent en oncologie? Vous avez mentionné des fois des maladies complexes. C'est quoi la proportion, par exemple, de patients avec un cancer? Merci pour cette question-là, parce que c'est un mythe souvent que les soins palliatifs, c'est seulement pour les patients qui sont atteints de cancer. On a cette impression-là parce que les soins palliatifs ont commencé à être administrés, à être offerts pour des individus qui avaient un cancer. Mais en réalité, ce n'est pas ça qu'on voit en majorité maintenant. En pédiatrie, je dirais que c'est à peu près le tiers de nos patients qui ont un diagnostic de cancer. Le reste, donc deux tiers, ont autre chose. Que ce soit des syndromes polymalformatifs, des maladies neurodégénératives, des malformations cardiaques, par exemple. Donc, ce n'est pas vrai que la majorité de nos patients ont un cancer. Ok, bon, ce n'est pas comme ce qu'on voit aussi dans les films. Non. (Rires) Ok, bon, c'est bon. Puis, justement, les soins palliatifs, j'ai fait mon parcours en étudiant toute la pharmacie [du] côté population adulte. C'est quoi les différences entre les soins palliatifs pédiatriques et adultes? En fait, la philosophie va être la même. Le but va être de maintenir la qualité de vie dans un cas de maladie grave. Ça, c'est vraiment quelque chose qui nous rejoint. Par contre, en pédiatrie, on va souvent avoir la chance, je dirais, de rencontrer l'enfant et sa famille assez tôt dans le parcours de la maladie. Je notais tout à l'heure qu'il y a beaucoup d'incertitudes dans ces maladies-là. Donc, ça arrive assez souvent qu'on va rencontrer une famille, disons même en anténatal, avant que le bébé naisse, qu'on peut le suivre durant la période néonatale. Puis aussi, si la vie se prolonge, on peut les suivre sur un parcours de plusieurs années. Même les amener jusqu'à l'âge adulte, les transférer en médecine adulte. Donc, c'est un peu différent, effectivement, des familles qu'on suit sur plusieurs années. Environ la moitié des enfants qu'on va suivre vont être en vie encore un an après qu'on les ait rencontrés, en fait. J'aime le fait que tu dises que vous arrivez de façon préventive, pas juste dans la phase finale. Exactement. Souvent, c'est quelque chose qu'on va dire aux familles. Parce que quand on se présente comme l'équipe de soins palliatifs... Ça donne un choc. Exactement. Ils associent ça à la fin de vie. Donc, on démystifie ça dès le départ de notre première rencontre en disant, effectivement, en médecine adulte, c'est beaucoup orienté vers la fin de vie. Mais nous, c'est une partie de ce qu'on fait. Le suivi longitudinal, puis d'assurer le confort, la qualité de vie, toute la vie de l'individu, ça va être une différence majeure. Le Phare Enfants et Familles a la philosophie d'aider les enfants à s'amuser jusqu'au bout de la vie. Peu importe quand est-ce que le bout de cette vie-là arrive, s'il vient pendant la période infantile. C'est une belle façon d'expliquer comment on fonctionne. J'aime ça. Moi, j'ai tendance à dire, je suis très imagée avec nos familles, j'ai tendance à dire aussi qu'on est l'équipe un peu pâte-à-modeler. On va s'adapter finalement à leur réalité. Il n'y a pas une famille qui est pareille. Même si on avait un même diagnostic, il n'y a pas une famille qui a les mêmes valeurs. On va, en apprenant à les connaître, vraiment aller chercher ce qui leur convient le plus. Et puis, c'est amené à changer, ça. Donc effectivement, si on arrivait seulement en fin de parcours, on n'aurait pas tout ce cheminement qu'on fait avec eux pour pouvoir les amener à grandir eux aussi. Que ce soit l'enfant et sa famille, à travers cette maladie-là, qui aura des hauts, des bas, des moments beaucoup plus calmes, où on se réjouira aussi de ces moments-là. On est là pour ça. Au moins, quand il y a les coups un peu plus durs, quand il faut se réajuster, ils nous connaissent déjà. Il y a moins ce côté, « c'est parce que ça va mal qu'on rencontre les soins palliatifs. » Très beau. Dans ce confort-là, on pense beaucoup aux médicaments, mais quand même, on a organisé le mariage des parents, on a déjà apporté le chat dans une chambre d'hôpital, aidé un enfant à partir en voyage. Ça fait aussi partie de ce qu'on fait... – C'est très créatif, aussi. J'adore. De façon un peu générale, côté médicaments, est-ce qu'il y a des grosses différences notables avec les populations adultes? En fait, la majorité des médicaments qu'on utilise en pédiatrie, c'est des médicaments qui sont utilisés aussi en médecine adulte. Les benzodiazépines, les opiacés, les anticholinergiques, on partage beaucoup des molécules avec les praticiens adultes. Une différence importante, c'est l'anticholinergique qu'on utilise le plus fréquemment. En pédiatrie, on a tendance à utiliser le glycopyrrolate, donc le Robinul, plus souvent que la scopolamine, qui est comme la molécule de choix chez les praticiens de soins palliatifs adultes. La différence entre le glycopyrrolate et la scopolamine, c'est que la scopolamine traverse la barrière hémato-encéphalique, donc a des effets neurologiques centraux, ce qui fait que ça peut induire de la sédation. C'est relativement contre-indiqué chez les individus qui peuvent convulser. Donc comme on se disait tantôt, il y a une bonne proportion de notre population qui ont des maladies neurodégénératives, qui convulsent, et donc la scopolamine est souvent contre-indiquée chez ces individus-là, donc on va avoir recours au glycopyrrolate. L'autre raison, c'est qu'on est persuadés en pédiatrie que le lien entre l'enfant et son parent est vraiment important et peut contribuer au confort. Donc, si on peut réduire la sédation du petit bébé ou même de l'adolescent pour lui permettre de continuer à être en interaction avec son parent et de sentir sa présence, on a l'impression qu'on contribue comme ça à son confort. C'est pour ça qu'on utilise plus le Robinul. Je pense que j'ai même une troisième raison de mon côté pharmacie, je prêche pour ma paroisse... – Pas de problème.– ...mais c'est aussi qu'il y a une magistrale de glycopyrrolate qui permet de donner des toutes petites quantités, donc pas obligé de donner des treizièmes de comprimés, quoi que ce soit. Donc, c'est très pratique aussi. Puis, ça me fait penser justement à l'administration des médicaments. Est-ce que c'est assez, de façon générale, similaire avec les adultes? Là, je me tourne vers toi, Audrey, vu que tu es infirmière. Oui, c'est sûr qu'on aime à penser assez loin, c'est-à-dire que oui, on peut gérer des symptômes aigus, mais on se dit toujours que si ces symptômes-là sont pour persister, on a encore la vision qu'on veut retourner l'enfant dans sa famille, donc dans son environnement, si ça le permet, de manière sécuritaire. Mais principalement, c'est une demande qui revient de plus en plus. On essaie toujours, j'essaie de dire qu'on les met en mode wifi, tu sais, en mode sans fil. L'idée aussi autour de ces familles-là, c'est de dé-médicaliser le plus possible l'administration de la médication. Parce qu'il faut savoir que ce sont des enfants qui vont parfois encore à l'école, donc ils n'ont pas trop envie que ça se voit, d'être toujours avec l'idée qu'ils sont malades. Non, l'idée, c'est de les rendre dans une certaine normalité aussi de leur âge, de continuer à vivre ce qu'ils ont à vivre en tant qu'enfants. Parce qu'une réalité d'enfant, c'est se lever le matin, être en famille, puis aller à l'école, jouer, et puis pourquoi pas faire du sport. Il y en a qui continuent le plus qu'ils peuvent. On va aller chercher toujours l'idée, le plus possible, d'avoir des systèmes comme du transmuqueux buccal, des patchs, ou ce qu'on appelle aussi en sous-cutanée, avec des petits dispositifs qu'on peut déposer à même la peau. C'est un dispositif qui ressemble au papillon qu'on retrouve chez l'adulte, mais là qui va rester en place, qui est assez plat, donc on le pose en sous-cutanée et il peut être en place pendant 7 jours. Il y a un embout un peu caoutchouté dans lequel on peut piquer directement la médication pour ne pas piquer l'enfant plusieurs fois. L'idée encore, c'est de limiter les agressions. Ça, on peut en poser plusieurs, et puis administrer la médication à travers ce dispositif-là de manière sécuritaire et non visible surtout. C'est un insufflant ? Ça s'appelle un insufflant. C'est quelque chose qu'on retrouve vraiment beaucoup plus en pédiatrie. Quand nos patients se retrouvent avec des CLSC pour de l'administration beaucoup plus de médication en sous-cutanée, on leur en fournit, parce que ce n'est vraiment pas quelque chose qu'on voit plus chez l'adulte. C'est vraiment quelque chose qu'on utilise très régulièrement en pédiatrie. Merci, Audrey. Donc là, on arrive à la moitié environ de l'épisode. J'aimerais, puisqu'on est un balado de médicaments, vous amener vers le fameux protocole de détresse, votre dernière carte souvent dans votre approche. Est-ce que vous voulez juste m'en parler un peu, les indications, les doses ? Je pense que ça va intéresser surtout la communauté de pharmaciens. C'est sûr que le protocole de détresse est très important. Ça va être un outil dans notre boîte à outils, mais je veux préciser quand même que pour nous, le plus important va être les soins de confort qui vont précéder le protocole de détresse. L'idéal, en fait, ce soit qu'un patient n'ait jamais besoin, ou rarement, du protocole. Le protocole de détresse sert à une détresse aiguë, peu importe son étiologie, que ce soit une détresse respiratoire importante, subite, une douleur importante ou une anxiété importante. Là, on va utiliser le protocole de détresse qui va être composé de deux ou trois médicaments. Je vais laisser Marc-Antoine plus les définir, mais ceci dit, on va essayer tout le temps de contrôler les symptômes. Par exemple, d'avoir un opiacé à bord, d'avoir un benzodiazépine déjà à bord qui traite les symptômes de manière plus chronique et efficace pour ne pas idéalement se rendre à un épisode de détresse aiguë. Tout à fait. Le protocole de détresse, ça ne remplace pas l'analyse de base, comme dit Gabrielle. Au fond, on va l'utiliser un peu comme médicament d'urgence. En fait, on va l'utiliser exclusivement comme médicament d'urgence. On ne va pas l'utiliser comme médicament régulier. Par contre, c'est très utile dans des circonstances où la médication régulière ne sera pas suffisamment efficace pour soulager la détresse que l'enfant présente. On espère l'utiliser moins souvent, mais quand on a à l'utiliser, on est content de l'avoir, par exemple. Parce que l'objectif, le confort en soins palliatifs, c'est une urgence. Donc, il faut s'en occuper rapidement. C'est entre autres pour ça que le protocole de détresse existe. Le protocole de détresse, c'est une combinaison de deux à trois médicaments. Donc, il y a toujours une combinaison de benzodiazépine et d'opiacé auquel se rajoute parfois un anticholinergique. Mais pas tout le temps. Pas tout le temps. La raison pour laquelle on a un anticholinergique, c'est pour réduire la quantité de sécrétions respiratoires qui sont produites le plus souvent. Donc, il y a des enfants qui ne vont pas produire beaucoup de sécrétions, qui ne seront pas encombrés. Donc, ils n'ont pas nécessairement besoin de recevoir du glycopyrrolate ou de la scopolamine. Par contre, il y a de nos enfants, par exemple ceux qui ont des encéphalopathies, qui déjà ont de la dysphagie, de la difficulté à gérer leurs sécrétions, qui d'emblée vont avoir des sécrétions plus importantes et qui peuvent bénéficier de recevoir du glycopyrrolate pendant un épisode de détresse. Ce qui est certain, c'est qu'il y a une combinaison de benzodiazépine et d'opiacé dans le protocole. La benzodiazépine qu'on utilise le plus souvent, c'est le midazolam. Puis, l'opiacé, c'est soit de la morphine, soit de l'hydromorphone. En fait, la raison pour laquelle on utilise ces molécules-là plutôt que d'autres, c'est d'abord pour leur rapidité d'action. Donc, ça commence à agir rapidement dans les premières minutes qui suivent l'administration. Puis, ça va durer en moyenne 3-4 heures. Alors, en principe, un épisode de détresse, ça ne devrait pas durer très longtemps. Si ça dure longtemps, c'est parce qu'il y a quelque chose qu'on doit faire pour aider l'analgésie au long cours. Donc, c'est pour ça qu'on veut avoir des molécules qui vont durer 3-4 heures le temps qu'on se revire de bord, qu'on soit capable d'adresser ce qui a causé la détresse du patient. Donc, le midazolam, c'est la benzodiazépine de choix. Ça se donne sous-cutané, intraveineux, en transmuqueux buccal. Ça peut se donner intranasal aussi. L'objectif, c'est vraiment de couper l'anxiété. Donc, ça fait une anxiolyse. Puis, en combinaison avec les opiacés, ça peut avoir un potentiel de soulagement de la dyspnée aussi. L'opiacé, l'objectif, c'est de soulager la douleur, surtout la douleur nociceptive, parce que la benzodiazépine, le midazolam, n'a pas d'effet analgésique, on se rappelle. Puis, un effet moins connu des opiacés, c'est sur le soulagement de la dyspnée, la sensation d'avoir de la misère à respirer ou l'essoufflement. La morphine, le Dilaudid sont excellents pour enlever cette sensation-là de manquer d'air. Donc, en combinaison avec la benzodiazépine, le midazolam, qui va enlever l'anxiété, là, on a vraiment une stratégie gagnante. Est-ce que, des fois, on utilise le lorazépam ou pas du tout, à cause de ses paramètres pharmacocinétiques? Ça nous arrive de l'utiliser, mais le plus souvent, on va utiliser le midazolam. Si, par exemple, le patient a mal réagi dans le passé au midazolam, on va avoir tendance à utiliser une benzodiazépine alternative comme le lorazépam. La durée d'action du lorazépam est beaucoup plus longue que celle du midazolam, donc on va préférer le midazolam. L'autre chose, c'est que l'administration sous-cutanée, intramusculaire de l'Ativan est un petit peu plus inconfortable. Ça brûle plus, le lorazépam, que le midazolam, donc c'est pour ça qu'on préfère le midazolam. Si je peux revenir à tout à l'heure, ça se peut qu'un patient, par exemple, ait du lorazépam comme traitement de fond de ses symptômes, mais qu'en protocole de détresse, on ait plus utilisé le midazolam pour sa rapidité d'action, sa courte action. C'est très clair. Ce que je rajouterais aussi, avec l'analgésie de base, généralement on propose aussi des PRN, ça va être un peu notre baromètre pour ajuster notre analgésie de base. Puis là où j'allume une cloche aussi, puis on a besoin des pharmaciens des fois pour nous le rappeler, c'est que quand on a une consommation qui augmente des opiacés ou autre, il faut ajuster le protocole de détresse, parce que le but, c'est qu'il y ait une dose supplémentaire qui arrive comme le deuxième camion de pompier, je dirais, qui puisse agir, c'est ça le but. Généralement, on essaie toujours de dire« mon Dieu, est-ce que le protocole est toujours ajusté à la consommation qu'on a peut-être augmentée ? » Et puis, c'est toujours quelque chose aussi, il faut savoir qu'on le propose aussi aux parents, ils l'emmènent à domicile, on les forme pour qu'ils puissent l'administrer à leurs enfants. C'est quelque chose qui peut paraître des fois impressionnant, des parents qui repartent avec du sous-cutané ou du transmuqueux, mais c'est quelque chose vers lequel on tend vraiment de plus en plus. Puis, justement, ça m'amène, est-ce qu'il y a des doses maximales en soins palliatifs ? Vu que tu nous dis que des fois, il faut monter les doses, puis là, si ça ne fonctionne pas par exemple, est-ce qu'il y a un plafond ? En fait, il n'y a pas de plafond de doses, ceci étant dit, on utilise des doses de départ qui sont ajustées à la consommation de benzodiazépines puis d'opiacés du patient, puis on les ajuste en fonction du besoin du patient. Mais en principe, il n'y a pas de dose maximale. Puis on se demande souvent aussi, bon, les adolescents qui arrivent, ils ont 16-18 ans, est-ce qu'on leur donne une dose de protocole adulte ou est-ce qu'on ajuste en fonction de leur poids ? Puis en fait, la limite sur laquelle on se place, c'est 50 kg. Oui, pour la dose de départ. Oui, pour la dose de départ, exactement. Donc, en principe, dans un protocole de détresse, ce qu'on utilise, c'est 0,1 mg par kg de midazolam avec une dose maximale de 5 mg. Pour la morphine, c'est la même chose, 0,1 mg par kg par dose. Donc, la dose maximale pour 50 kg, c'est 5 mg. Puis pour l'hydromorphone, habituellement, on va se rendre à une dose maximale de 1 mg. Pour un patient qui est naïf aux opiacés, évidemment, c'est quelqu'un qui consomme des opiacés à bonne dose depuis plus longtemps, mais les doses vont être différentes. Ah bon, c'est facile à se rappeler. Puis là, vous avez mentionné quelques fois la voie transmuqueuse buccale. C'est une voie qu'on utilise peu, mais je pense qu'on l'utilise beaucoup en pédiatrie, justement, dans votre domaine. Rapidement, est-ce qu'Audrey, tu voudrais nous expliquer c'est quoi pour les minutes qui restent? Écoute, la voie transmuqueuse buccale, c'est assez caractéristique, j'ai envie de dire, des soins palliatifs. C'est peu utilisé de manière générale. Nous, c'est quelque chose qu'on aime beaucoup parce qu'il y a une certaine facilité d'administration. C'est beaucoup moins agressant pour le parent aussi de voir qu'on administre ça tel, quelque chose qu'on pourrait donner par la bouche. L'idée, c'est vraiment, il y a toute une technique autour parce qu'on entend beaucoup« Ouf, on l'a utilisé, mais ça n'a pas bien fonctionné. » Le secret de ça, c'est que on passe vraiment par les gencives et pas par le côté digestif. C'est-à-dire qu'on va administrer une formule IV, déjà, c'est la formule IV qui va être le plus concentré possible pour qu'on ait, j'ai envie de dire une goutte qui soit administrée... – Le plus petit volume.– Exactement. On va chez les plus petits vers du 0.2. On peut l'administrer dans le sillon qui se trouve entre la gencive et la joue. Déposer la goutte, on peut le mettre sur la partie gauche, au centre, et sur la partie droite. Et on va venir masser au niveau de la gencive et l'administration va être faite de manière très sécuritaire, très simple et surtout très rapide et efficace. Le secret, vraiment, ça va être d'assécher ce sillon-là. Parce que si on a beaucoup de salive ou des patients... ça aussi, ça va être un choix dans l'administration. Si on a des patients qui sont très sécrétoires, ça ne va pas être le meilleur mode. Il faut assécher avec une gaze, déposer la goutte, masser et laisser agir. L'autre avantage du transmuqueux buccal, c'est qu'il n'y a pas d'aiguille. Oui, c'est ça. C'est super pratique pour les parents et c'est sécuritaire aussi. Et confortable pour le patient. Exactement. Et puis pour les équipes aussi, je te dirais, tu sais, quand on est à visée confort et qu'on est très coucouni, je trouve qu'effectivement encore les gestes qui peuvent être agressants, en tant qu'infirmiers à donner, ça c'est très rassurant. Excellent. Puis là, ça me fait penser aussi, je viens d'y penser, je vois souvent les vieilles molécules ressortir en soins palliatifs. J'ai vu notamment le méthotriméprazine, aussi nommé le Nozinan, ou le chloral hydrate. C'est quand que vous sortez ces vieilles molécules-là de votre chapeau? En fait, on les utilise quand même assez tôt, je dirais. Quand, par exemple, un opiacé n'est pas efficace, ça peut être déjà une deuxième ligne comme analgésique. En fait, le Nozinan est un vieil antipsychotique qui n'est pas vraiment utilisé en psychiatrie, qui est surtout utilisé en soins palliatifs. Puis on l'appelle une « dirty drug », parce que ça va venir agir, pas seulement sur un récepteur, mais sur de multiples récepteurs, particulièrement les récepteurs adrénergiques, dopaminergiques, histaminiques, muscariniques, sérotoninergiques. Donc, on va avoir un effet autant sur l'analgésie, donc sur la douleur, et sur aussi ça va être un bon antiémétique, un anxiolytique, un sédatif. Donc, on l'aime un peu beaucoup parce qu'il va agir sur plusieurs symptômes qu'on retrouve souvent en même temps. Donc, on aime l'effet qui est non-spécifique. Exactement. OK. C'est bon. Ah, c'est bon à savoir. Puis, juste en terminant, il y a beaucoup de questions, je pense, sur l'aide médical à mourir en pédiatrie. Je ne sais pas si les familles vous en ont posé des questions sur ça dernièrement. C'est quoi la place de l'aide médical à mourir en pédiatrie? Bien, en fait, c'est simplement, en fait, c'est pas permis par la loi, autant au Canada qu'au Québec chez les moins de 18 ans. Donc, on l'explique comme ça aux familles. Par contre, on va automatiquement faire la différence entre l'aide médical à mourir, qui est vraiment de causer la mort par l'administration de médicaments, versus les soins de confort, qui vont vraiment être d'orienter, de donner des médicaments pour le confort jusqu'à une mort naturelle. Donc, on essaie, même si ce n'est pas permis, on essaie de rassurer les familles que l'enfant va être le plus confortable possible, malgré qu'on ne puisse pas précipiter la mort, mais on va pouvoir quand même le rendre confortable jusqu'au bout. Je te dirais qu'effectivement, sur le terrain, on constate pas mal dans la dernière année qu'on a de plus en plus de questions. Les gens sont ouverts à en discuter, mais au moins, je pense surtout pour avoir des précisions sur qu'est-ce que c'est, à quoi ça ressemble. On a beaucoup, nos familles, nos ados, je pense que la question est posée plus effectivement en termes de renseignements. Et puis, quand on leur dit effectivement que oui, oui, ça existe chez l'adulte, voilà comment ça se passe chez l'adulte, mais aussi comment nous, on peut les soulager autrement, ça rassure énormément. C'est pour dire, tu sais, c'est pas parce qu'on n'y a pas accès qu'on n'y aura pas accès. La loi va possiblement changer, donc il y a une réflexion de société actuellement. Et tu sais, ce qu'on dit aussi, c'est quand même une question délicate. Il faut vraiment y réfléchir avec prudence. Par exemple, un des enjeux, la population pédiatrique est très hétérogène. Donc c'est un sujet, réfléchir de l'aide médicale à Montréal chez un adolescent, disons de 17 ans, qui est mature, qui a toute sa tête. C'est très différent d'y réfléchir pour un petit bébé où c'est les parents qui décident pour lui. Donc l'aptitude versus l'inaptitude, il y a beaucoup de questions, mais c'est vraiment quelque chose qui est actuellement réfléchi, qui va peut-être mener effectivement vers un accès éventuel. Une opinion qu'on partage, ceci dit, c'est qu'en fait, il y a beaucoup de discours qui ont mis l'accent sur le fait que mourir dans la dignité, c'est parfois avoir accès à l'aide médicale à mourir, mais si on n'a pas accès à l'aide médicale à mourir pour quelconque raison que ce soit, on peut quand même avoir une mort digne. Des belles paroles, merci. Donc en terminant, est-ce que vous avez des références à partager à nos auditeurs ou quelque chose? Parce qu'on ne s'y connaît pas vraiment, si jamais on arrive pour valider un protocole de détresse, par exemple, en pharmacie. Oui, en fait, il y a plusieurs références qui existent, qui sont disponibles en ligne. Il y a un guide qu'on utilise beaucoup ici à Sainte-Justine qui s'appelle le Blue Book, qui est créé par les praticiens de soins palliatifs au Boston Children's Hospital, donc à l'hôpital pour enfants de Boston qui est affilié à l'Université Harvard. Ce guide-là est accessible en ligne. On le mettra en lien, vraisemblablement, aussi sur la page. Il y a aussi le Mini-Guide Palli-Science des soins palliatifs qui est fait par la Maison Victor Gadbois depuis des années. C'est un guide de référence adulte, mais qui est très utile pour savoir, entre autres, quels médicaments sont disponibles, dans quelles formulations. Donc ça, c'est une vraie bible pour les praticiens de soins palliatifs. Puis, il y a aussi de façon très utile le guide des soins palliatifs de l'APES, qui en est rendu à sa cinquième édition, si je me rappelle bien. – Oui. Merci beaucoup. C'est déjà la fin. Ça a passé super vite, mais merci de m'avoir emmenée dans votre univers. Je vois que votre travail est empli d'empathie, puis c'est très individuel, très humain pour les familles. Donc, ils sont chanceux vous avoir pour les soutenir tout au long du parcours de leur enfant. Merci. Au revoir, merci pour l'invitation. – Merci à toi. Merci à vous. (Musique)